Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 7.djvu/637

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

spective décorative. Certaines ont des enlacemens heureux, des flexions charmantes, des attitudes gracieuses et enlevées, des raccourcis savans. La couleur un peu sombre, surtout du côté de la nuit et du crépuscule, et toujours dure, a cependant quelques jolis tons dans les endroits où le bleu du ciel perce les nuages. On regrette que les visages aient été exécutés avec une pareille négligence. Les têtes sont à peine dégrossies. Enfin les figures du premier plan sont démesurées ; elles jurent par leur masse avec les figures élégantes du second et du troisième plan. La disproportion est aussi choquante que si les statues de villes de France de la place de la Concorde descendaient de leur socle et marchaient au milieu des promeneurs.

Les profanes ne pénétreront pas dans le foyer de la danse. Ils ne seront donc pas admis à voir les peintures de M. Gustave Boulanger, qui décorent ce sanctuaire sacro-saint. Ils n’ont guère à s’en plaindre. M. Boulanger, qui s’est conquis une certaine réputation en exposant à chaque Salon alternativement des petits bains grecs et des petits cavaliers turcs, s’est trouvé tout dépaysé, il faut le reconnaître, quand il s’est agi de traiter des figures de grandeur naturelle. S’il n’est pas vrai que qui peut le plus peut le moins, il est bien certain que qui peut le moins ne peut pas le plus. Les qualités du peintre de genre se perdent dans les grandes lignes et dans les grandes masses de la peinture d’histoire ; ses défauts s’y accusent, comme s’accusent au microscope les rides, les taches et la trame épidermique du plus beau visage de femme. Les imperfections, les négligences, les à-peu-près du dessin deviennent des monstruosités. Le dessin est-il indécis, il devient lâche ; est-il dur, il prend la rigidité des figurines de bois. Les papillotages de couleur, qui ont leur effet dans un petit cadre, sont insupportables sur une grande toile. D’autre part, un coloris anémique, sans fraîcheur et sans éclat, est d’autant plus déplaisant qu’il couvre une grande surface. Le style enfin, dont on peut pardonner l’absence dans les tableaux de genre, est la première condition de la grande peinture. la gentille marionnette gentiment attifée n’est plus qu’un mannequin quand elle grandit.

Outre les médaillons ovales des voussures, où sont peints avec le relief du papier et la couleur des images d’Epinal les portraits des plus célèbres danseuses de l’Opéra, M. Boulanger a au foyer de la danse quatre grands panneaux représentant la danse champêtre, la danse bachique, la danse amoureuse et la danse guerrière. Dans la Danse champêtre, qui est la meilleure toile des quatre, les figures prises à l’antique ont des contours assez délicats et des attitudes gracieuses en dépit de l’affectation. La Danse bachique montre les