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tons vigoureux des autres figures. M. Barrias a ainsi obtenu une grande perspective. Sa figure d’Apollon plafonne bien et se perd dans l’immensité ; mais ne semble-t-elle pas une grisaille au milieu d’une peinture ?

Jugées dans leur ensemble, les décorations de M. Félix Barrias méritent certains éloges. La composition, ingénieuse et symétrique, ne manque pas de style. Il y a de jolies attitudes, mais les physionomies sont communes. Si la couleur, dont les teintes sont rompues, timides, ternes, ne donne pas aux yeux le plaisir que leur causent les beaux tons, les riches carnations, les draperies éclatantes, les lointains vaporeux, les premiers plans en vigueur, enfin tous les mirages et tous les régals de la palette des coloristes, elle n’a pas non plus ces crudités, ces dissonances, ces folles débauches, ces éclats offensans des faux coloristes. Les figures de femmes ont de gracieux contours ; malheureusement il n’y a rien dans ces contours, ni modelé, ni relief, ni chair même. Les figures d’hommes, d’un dessin très dur, sont plates. Le corps humain doit se modeler par le relief dans l’air ambiant et non s’y découper par de secs contours. Delacroix avait peut-être raison quand il disait : « Il n’y a point de contours. »

Passons au salon de gauche, décoré par M. Delaunay. Le plafond représente le Zodiaque, les tympans latéraux Amphion et Orphée et Eurydice, le tympan central Apollon recevant la lyre. Au milieu du tableau, Apollon, — un Apollon inspiré comme un poète de la restauration, — prend une grande lyre d’ivoire que lui apporte à tire-d’aile un génie d’une maigreur ascétique. J’avais d’abord pris la lyre pour un trapèze, car le génie la soutient si malheureusement qu’il semble se livrer à des exercices gymnastiques, Au premier plan, à l’ombre de l’arbre à pomme d’or et à feuilles de zinc vert des Hespérides, se découpent avec des contours noirs, comme les lignes d’un dessin au crayon, trois figures de femmes. L’une de ces femmes, celle qui est assise, n’est pas sans charme ; aussi paraît-elle bien étonnée de se trouver en si déplaisante compagnie. Dans l’angle opposé, un jeune berger, la face boursouflée, s’abreuve à la fontaine d’Hippocrène, qui jaillit d’un rocher peint avec de la mine de plomb. Près de là, deux femmes, l’une drapée de bleu, l’autre nue, tressent des guirlandes de fleurs. La femme nue est fort singulière comme structure. Sur des hanches saillantes et un bassin énorme qui semblent faits pour supporter les larges épaules des sibylles de Michel-Ange et les puissantes mamelles des déesses de Rubens, le peintre a posé un buste grêle, des épaules étroites et des bras maigres et incommensurablement longs. Il y a bien des couleurs dans ce tableau ; il y a des verts