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qui est aussi la mère et la nourrice, donne l’impression de puissance. C’était d’ailleurs l’idée hellénique à la grande époque de l’art, caractérisée par la Parque du Parthénon et la Vénus de Milo. Pour les figures d’hommes, Baudry, si absolument païen et antique dans les types de femmes, a l’idéal moderne. Les Hercules des âges héroïques, qui purgeaient la terre des monstres, les athlètes grecs, qu’on couronnait aux jeux olympiques, les paladins du XVe siècle, qui devaient combattre, tout bardés d’acier, avec des épées de cinq pieds, ont fait leur temps. Quoique Baudry admire Michel-Ange, quoiqu’il l’ait sérieusement étudié et fidèlement copié, il fuit l’expression de la force musculaire, et cherche l’expression de la force nerveuse. Les muscles tendus et gonflés de l’Hercule Farnèse et du Jésus réprouvant les damnés du Jugement dernier ne le séduisent point. Il préfère le Persée de Cellini et plus encore l’admirable David du Donatello. En résumé, Baudry cherche le type androgyne dans la forme humaine. Il peint l’homme dans sa svelte jeunesse, la femme dans son opulente maturité ; il donne à celui-là l’élégance, à celle-ci la force. L’homme représente la grâce dans son apparente faiblesse, la femme représente la grâce, mais dans sa mâle puissance et dans sa majesté. Que l’on compare dans le tableau des Bergers la femme qui trait la brebis et l’homme qui joue de la syrinx, et on aura la démonstration visible de ceci. Dans toutes les autres décorations, on retrouvera, sous mille modifications, ce même type et ce même contraste de la force de la femme et de l’élégance de l’homme : la femme primitive et le Polygnote des Poètes, le Paris et la Vénus du Jugement de Pâris, l’Orphée et l’Eurydice de la Descente aux Enfers, le Mercure et la Clio du Parnasse, les Muses des voussures et les enfans des médaillons.

Faut-il encore reparler du dessin large et serré, au trait si sûr et au goût si pur, du ferme modelé, du mouvement superbe, des savantes dégradations du clair-obscur de la nouvelle œuvre de Baudry ? Y a-t-il à vanter cette couleur légère, vive, lumineuse, variée d’effets, où s’allient dans une claire harmonie les tons mats et neutres de la détrempe, les tonalités brillantes et solides de l’huile, et les nuances les plus délicates et les plus vaporeuses de l’aquarelle ? Encore qu’elle soit un peu confuse et tourmentée, la composition s’ordonnance bien. Une seule chose peut-être manque à M. Paul Baudry dans certaines parties de son œuvre : c’est la simplicité. Nous n’aurions garde de dire que son style, qui atteint souvent à la grandeur, soit maniéré et affecté ; mais la science apparaît trop dans l’art. Il y aurait plus de naïveté que l’originalité du premier peintre contemporain s’affirmerait plus encore. Pour les menus reproches qu’on faisait aux voussures à l’École des Beaux-