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qu’ils font signe à David, qui joue de la harpe à l’entrée de la tente, de se retirer. Cette scène n’est pas seulement nettement scindée comme composition, elle l’est aussi comme ton. Ici l’obscurité bleue, éclairée par une sorte de lumière électrique. David a moins l’air d’un être humain que d’une apparition surnaturelle. Certes, s’il approchait de lui, le vieux roi si souvent hanté par les esprits s’enfuirait pris d’épouvante. Là, la coloration dure et terne de l’école classique du premier empire ; on chercherait en vain dans cette voussure la vive originalité du peintre du Parnasse.

Cette originalité, avec sa grâce et sa puissance, nous la retrouvons dans le Rêve de sainte Cécile. M. Baudry ne voulait pas, après Raphaël, représenter la sainte dans son apothéose. Il l’a humanisée ; du ciel, il l’a fait descendre sur la terre. C’est la nuit. La lune d’Orient, cette lune qui, a dit le poète, est plus brillante que le soleil du nord, éclaire la scène. Cécile, épuisée par le chant, s’est endormie sur la terrasse de son palais. Ses instrumens de musique gisent épars autour d’elle ; mais dans son sommeil la chrétienne, la sainte est sous l’influence d’une vision extatique. Devant elle, trois anges se groupent, comme des grâces orthodoxes, dans un jeu de lignes simple et souple, pour lui donner une divine sérénade. Ces trois anges sont trois femmes qui ont d’abord été dessinées nues, nous avons vu le carton original. C’est la plus merveilleuse vision des Grâces qu’ait jamais évoquée un grand artiste. Une troupe de séraphins descendue des hauteurs du firmament voltige au-dessus de la sainte endormie. Ces anges ont un peu trop d’écarts de jambes et de renversemens de torses. C’est moins une théorie qu’une cavalcade. Ils ont des têtes de béatifiés, mais pourquoi ces postures de réprouvés précipités du ciel ? D’ailleurs on ne saurait trop louer leurs formes élégantes et leurs hardis raccourcis. La sainte, bercée par l’harmonie céleste, a une expression d’une douceur indicible. Son visage reflète la suprême félicité qu’elle ressent aux purs cantiques des envoyés de Dieu. M. Baudry a donné là une des grandes impressions de l’art spiritualiste. On sent que la sainte rêve ces songes dorés que fra Angelico faisait transparaître sur ses figures virginales qui ne tenaient plus à la terre et qui semblaient prêtes à s’envoler au paradis sur un nuage d’encens.

Orphée est un des plus favorisés parmi les types illustres auxquels l’artiste a donné droit de cité dans son panthéon. Dans le tableau des Poètes, il charme les bêtes fauves des accords de son plectrum d’ivoire. Deux autres traits de sa légende ont été peints par M. Baudry : sa descente aux enfers et sa mort tragique. Le poète a vaincu l’inflexible Pluton. « À ses paroles, dit Ovide, pour la première fois les Furies ont pleuré. » Le dieu de l’Hadès lui a rendu Eurydice,