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LES PEINTURES DU NOUVEL OPÉRA.

Hyperbolos et les autres acteurs de la scène politique. Soit, mais si cette figure, qui est tout charme, tout esprit, toute grâce, n’est pas la muse d’Aristophane, d’Eupolis, de Cratinus, elle est la muse de Ménandre, de Plaute, de Molière ; elle est la muse de tous les temps, elle est la muse de la gaîté qui chante et du rire qui éclate.

La grande voussure de gauche représente le Parnasse. C’est au plus haut sommet du mont, tout baigné de lumière. Apollon vient de descendre de son char, dont les chevaux sont retenus par les Heures. Légères et impondérables comme la vapeur du matin, diaphanes comme la corolle de la fleur, elles se détachent en clair sur le ciel d’un bleu ardent et d’une transparence prestigieuse. Une chlamyde rouge orangé, jetée sur les épaules d’Apollon, laisse voir le dieu dans sa divine nudité. Il rayonne de lumière, et, par un artifice bien digne de M. Baudry, on ne sait si Apollon est éclairé par la lumière ambiante ou si c’est de lui-même qu’émane cette brillante lumière qui resplendit sur toute la scène. Auprès d’Apollon vole Éros, armé de l’arc et du flambeau. Les Grâces, placées à la droite d’Apollon, lui présentent la lyre et le plectrum d’ivoire. Ces trois figures nues forment un groupe marmoréen dont la blancheur mate attire et repose les regards au milieu des flots de draperies multicolores des autres figures. Toutefois ces Grâces paraissent un peu lourdes de formes et un peu courtes de proportions. On peut douter qu’elles aient les « sept têtes, trois parties, six modules » des canons grecs. Près des Grâces, des muses se groupent en des attitudes variées. Vêtue de vert, Clio, la grande muse de l’histoire, embouche la trompette. À côté de Clio se profile la magistrale silhouette de Melpomène. Une étroite et longue robe, d’un rouge vif égratigné de blanc dans les lumières, moule son beau corps ; un corselet d’acier enserre sa taille ; son masque, relevé sur sa tête, a l’aspect d’un casque. Il y a en elle de l’Amazone et de la Bradamante. Contraste charmant, la langoureuse Érato, la muse de la poésie légère, svelte, ondoyante, gracieuse, autant que la sévère Melpomène est noble, belle, majestueuse, s’entretient dans une attitude abandonnée avec Mozart, que vient d’amener Mercure, conducteur des ombres. À la suite de Mozart s’avancent Beethoven, Gluck, Lulli, Haydn, Meyerbeer, Rossini, Hérold, Auber. M. Baudry a bien rendu le type de Mercure, mais la draperie bleu foncé dont il l’a enveloppé détonne au milieu des notes sobres du cortége des musiciens et des notes claires des muses. Ce bleu malencontreux est certes d’un beau ton en soi-même, mais il produit là l’effet d’un coup de trompette éclatant soudain au milieu d’un unisson d’instrumens à cordes. Du côté droit du panneau, au second plan, se tiennent les autres muses, Thalie en rose jaune, Calliope