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pour se rattacher à l’empire démocratique et libéral. Le côté démocratique de l’empire n’avait cependant jamais cessé de le préoccuper. comme tous les anciens saint-simoniens, il avait vu dans la politique commerciale et économique suivie par le prisonnier de Ham, qu’il appelait dans un discours au sénat « un socialiste éminent, » la réalisation de la portion la plus praticable de ses anciennes utopies. « Extraire ce qu’il y a de bon dans le socialisme, disait-il dans ce même discours, pour le soustraire à la révolution et pour le faire entrer dans l’ordre régulier de la société, m’a toujours paru une partie essentielle et originale de la tâche dévolue au second empire. » Cette préoccupation des questions sociales, qui, après avoir attiré sa jeunesse, se présentait de nouveau à son esprit au déclin de son âge mûr, lui inspirait en 1865 ses Études sur Proudhon, études curieuses bien qu’un peu surfaites à mon gré, où il laisse percer quelques doutes sur la solidité des principes constitutifs de la société, et où il dénonce avec Proudhon « les contradictions et les faiblesses de la plupart de ceux qui prétendent asseoir a priori le droit de propriété ; » mais, si ses préoccupations démocratiques ne l’avaient jamais abandonné, ses préoccupations libérales furent comme un regain de jeunesse qui poussa chez lui avec le désir de la popularité. Il avait commencé son opposition à propos des questions religieuses ; pourtant déjà dans son discours au sénat sur la liberté de la presse il accusait les ministres de paralyser par leur mauvaise volonté et leur inertie les intentions libérales de l’empereur. Il annonçait ainsi le dessein de se placer insensiblement sur ce terrain de l’opposition dynastique et constitutionnelle, qui était devenu, avec plus ou moins de sincérité de leur part, celui de ces anciens partis tant raillés par lui. Pour jouer ce nouveau rôle, sa situation de critique attitré du Moniteur officiel, auquel il était revenu depuis deux ans, ne laissait pas que de lui causer quelque embarras. Il saisit la première occasion de secouer le lien de cette dépendance, et on eut l’imprudence de la lui fournir.

On se souvient du bruit que causa cette petite révolution de palais, par laquelle on enleva le titre et les privilèges d’organe officiel à l’antique gazette qui rn était en possession depuis si longtemps, pour les donner à un recueil nouveau dont la rédaction serait tout entière dans la main et sous la coupe du ministre d’état. Sainte-Beuve, qui assurément n’avait pas médiocrement contribué à relever par ses articles l’éclat de la rédaction de l’ancien Moniteur officiel, fut froissé de cette transformation opérée sans son avis, et il ne voulut pas accepter l’attache du nouveau journal. « Je n’écrirai jamais, disait-il, dans le recueil de X…, censuré par Norbert-Billiart, » et il ajoutait : « Oh ! sire, que de sottises on commet en votre nom ! » Il n’y avait rien que de très légitime