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ECRIVAINS CONTEMPORAINS

CHARLES-AUGUSTE SAINTE-BEUVE
III.
LES VINGT DERNIERES ANNEES[1]


I

« Vous ne vous occupez pas de politique, monsieur ; je vous plains, car un jour la politique s’occupera de vous. » C’est en ces termes que M. Royer-Collard gourmandait l’indifférence de l’un de ses contemporains, et la moitié du siècle ne s’était pas écoulée que la vérité de cette prédiction était démontrée aux dépens de Sainte-Beuve. Il ne s’est point occupé de politique, mais la politique s’est occupée de lui, en ce sens qu’elle est venue à deux reprises modifier ses habitudes et disperser le milieu dans lequel il s’était accoutumé à vivre. C’est, à vrai dire, le sort commun dans une société aussi tourmentée que la nôtre, et le mieux est d’en prendre son parti plus philosophiquement que ne sut le faire Sainte-Beuve. La révolution de 1830 avait été saluée par lui avec enthousiasme ; mais ce fut avec des sentimens bien différens qu’il accueillit la révolution

  1. Voyez la Revue du 1er et du 15 janvier. — C’est par erreur que dans la seconde partie de cette étude j’ai cité comme inédits et de Sainte-Beuve même des vers qui en réalité sont de M. Emile Augier. Mon excuse est d’avoir entre les mains, le papier où ces vers sont écrits de la main d’une amie morte aujourd’hui, Mme d’Arbouville, et attribués par elle à Sainte-Beuve. Je n’ai pas tardé à être averti de ma méprise par ceux (et ils sont nombreux) qui ont conservé ces jolis vers dans leur mémoire depuis la première représentation de Gabrielle.