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« les batailles du mois d’août 1813. » Je parcourus avec curiosité les copies de ces futurs maîtres d’école : leurs travaux se faisaient remarquer surtout par l’exactitude dans la description des mouvemens stratégiques. Les positions des corps d’Oudinot, de Macdonald, de Vandamme, et d’autre part des armées de Bernadotte, de Blücher, de Schwartzenberg étaient fort nettement indiquées. On devine que la géographie de l’Allemagne a passé dans la moelle et dans le sang. Une partie curieuse de ces devoirs, c’est l’élément populaire, les paroles historiques, les traits familiers, tout ce qui peut saisir l’imagination des enfans. On trouvait en outre, mais sans déclamation, un grand enthousiasme pour le roi, pour les chefs, pour les volontaires, quelques traits à l’adresse de l’ennemi héréditaire, enfin la dose convenable de piété pour le Dieu des armées, qui, comme l’événement l’a prouvé, combattait avec la Prusse.

Un peu plus tard, je visitais la Victoria-Schule, admirable établissement que la ville de Berlin a créé, il y a six ans, pour l’enseignement secondaire des jeunes filles, et qui reçoit sept cents externes. Le professeur d’histoire, homme entendu et fort maître de sa parole, n’avait garde, en faisant le récit du passé, d’oublier les applications pratiques. Négligeant les dates, réduisant le nombre des noms propres, il tâchait de dépeindre au vif ses personnages et de tirer de leurs aventures, je ne dis pas précisément des leçons morales, mais des conseils utiles. Les digressions ne manquaient pas dans cet exposé qui ressemblait plutôt à une conversation d’un homme instruit et communicatif avec des enfans. La leçon avait pour objet les commencemens des guerres de religion en Allemagne. A propos de l’électrice de Saxe, dont le mari avait été fait prisonnier à la bataille de Mühlberg, il faisait le portrait de la femme forte qui, au milieu des dangers, ne perd pas de vue les intérêts de sa maison, et met à profit les divers incidens d’une époque agitée pour défendre sa souveraineté et sauver le bien de ses enfans. Le cours du récit ayant amené le nom de la forteresse de Torgau : « Cherchez sur la carte, » dit le professeur. Aussitôt tous les regards s’abaissent sur l’atlas que chaque élève, durant la leçon d’histoire, tient ouvert devant elle. Ces atlas ont des cartes spéciales pour les diverses époques de l’histoire d’Allemagne. « Vous avez trouvé ? C’est notre boulevard de l’est ; nous l’avons pris, nous voulons le garder. » (Mouvement parmi les jeunes filles.) Dans une autre leçon, il était question des Slaves et de leurs premiers établissemens au milieu de l’Europe. « Ils ne sont pas venus, disait-il, les armes à la main ; aussi n’ont-ils pas d’épopée. C’est un peuple tranquille, qui s’est installé en silence, sournoisement, sans qu’il y paraisse, sur nos domaines, jusqu’à ce que nos ancêtres leur aient parlé raison et les aient vivement ramenés chez eux ! C’est un peuple