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dans les méthodes : autant de points qu’il est bon d’étudier et de faire connaître en France.

Tel était à peu près le tour de mes réflexions pendant que je prenais la route de Cologne à Berlin. En même temps je me promettais d’écarter toutes les impressions personnelles qui pourraient nuire à l’impartialité de mon jugement. Je dois dire, et j’entre par là aussitôt dans mon rôle de narrateur véridique, que la tâche m’a été rendue facile par l’accueil empressé que j’ai reçu dans tous les établissemens d’instruction publique. Non-seulement j’ai pu assister aux classes aussi souvent et dans toutes les maisons qu’il m’a plu, mais les professeurs et directeurs mettaient à ma disposition les travaux des élèves et me donnaient libéralement toutes les informations que je leur demandais. On est habitué en Allemagne à ces visites internationales : pendant que j’hospitais (c’est le terme consacré) dans les gymnases de Berlin, des Russes, des Américains faisaient de même. Je ne vois pas pourquoi dans nos lycées nous n’exercerions pas une hospitalité pareille : s’il est naturel qu’on écarte les simples curieux, nous n’aurions qu’à gagner à laisser entrer les juges compétens.

Je ne me suis pas contenté de voir les classes, de converser avec les maîtres et d’interroger les élèves. J’ai mis à profit la littérature pédagogique de l’Allemagne, qui, comme on sait, est d’une grande richesse, et compte parmi ses écrivains beaucoup d’esprits clairvoyans, beaucoup d’hommes de savoir et d’expérience. Il serait trop long de donner ici un aperçu bibliographique : j’indiquerai au moins, pour tout ce qui est ordonnances officielles, les recueils que MM. Wiese et de Rönne ont composés pour la Prusse. Un utile ensemble de vues et de faits se trouve réuni dans l’Encyclopédie pédagogique de K.-A. Schmid (10 volumes, 1859-1874), qui ne devrait manquer dans aucun de nos grands établissemens d’instruction. J’ai lu les procès-verbaux des conférences qui se tiennent tous les ans, sur différens points du territoire, entre les directeurs des gymnases d’une même province. Je n’ai rien négligé, en un mot, pour arriver à une connaissance nette et complète de l’organisation que j’étais allé étudier.


I

Puisque j’ai commencé de parler du caractère national qu’a revêtu l’enseignement allemand, j’aime mieux traiter tout de suite, pour n’avoir pas à y revenir, ce difficile et instructif sujet. Le temps est loin où l’on pouvait reprocher à l’Allemagne de se perdre dans les abstractions philosophiques, ou de s’oublier dans le culte de l’antiquité, ou d’accorder aux autres peuples plus d’attention qu’à