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moins discrètes et des hostilités plus ou moins avouées. Dans tous les cas, rien ne semble de nature à laisser présager de prochains orages, et il n’est pas jusqu’à cette union des cours du nord, dont on parle souvent, qui ne soit pour le continent une garantie de paix. L’alliance de l’Allemagne, de la Russie et de l’Autriche, fût-elle aussi étroite qu’on le dit, est heureusement de celles qui n’ont de chances de se maintenir que par la paix, par la réserve soigneuse de toutes les grandes questions où les trois puissances ont des intérêts opposés. L’Allemagne y voit un avantage, la France n’y voit assurément aucun inconvénient. Pour elle, c’est la paix, qu’elle n’a aucune envie de troubler, que l’Europe a tout aussi peu envie de laisser troubler, et qui reste une garantie d’une certaine durée, à moins d’un de ces incidens inattendus que notre diplomatie est la première intéressée à ne point provoquer ou à déjouer.

La paix extérieure nous accorde donc le plus précieux des bienfaits, le temps, qu’il dépend de nous de perdre ou de mettre à profit. D’un autre côté, ce n’est pas sûrement du pays lui-même que viennent les embarras. Le pays est dans un calme profond qui tient un peu sans doute à la fatigue et aussi à un sentiment très sérieux. La France accepte tous les sacrifices, appelle toutes les vraies réformes, répudie toutes les agitations, de sorte que tout se réunit, la paix intérieure et la paix extérieure, pour donner le temps de travailler à cette réorganisation nationale dont on s’était fait un patriotique programme. Que les chefs de tous les groupes, de toutes les opinions parlementaires, se demandent encore une fois si la politique seule a le droit de troubler cette œuvre par d’incohérens et inextricables conflits de partis. Si l’on y réfléchissait un seul instant, on en finirait avec toutes ces crises, on organiserait sans marchander une situation que rien ne peut modifier pour le moment ; on n’aurait de préoccupations que pour ces questions militaires qui s’agitent en ce moment même dans l’assemblée à propos de la loi des cadres, pour ces questions de finances que M. Matthieu Bodet exposait l’autre jour dans un rapport parfaitement clair, d’où il résulte qu’il y a malheureusement des déficits à combler, de nouveaux impôts à voter. Est-ce que cela ne suffit pas à l’heure où nous sommes ? Préférerait-on perdre en vaines et insolubles disputes le temps dont la France a besoin pour reprendre sa place parmi les nations ?

Il y a donc une révolution de plus en Espagne, et celle-là du moins s’est accomplie sans combat, sans difficulté, presque sans bruit, comme si elle était le dénoûment prévu et naturel d’une situation. Aux dernières heures de décembre, avant que l’année 1874 eût expiré, la monarchie a été soudainement restaurée par un vrai coup de théâtre, et le fils de la reine Isabelle s’est trouvé replacé sur le trône d’où sa mère avait été précipitée au mois de septembre 1868. Il y a quelques jours à peine, le