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fêté plus que de raison la conquête de Chypre, laissa devant lui échapper l’aveu que Nitétis n’était point née de lui ; aussi bien il en possédait la preuve écrite sur papyrus. Ce document est lu devant Cambyse et toute la cour par un ancien prêtre d’Héliopolis, Onuphis, réfugié depuis un demi-siècle auprès des rois d’Assyrie. Onuphis, qui ne pouvait manquer d’avoir connu Pythagore, de l’avoir même initié aux mystères des prêtres égyptiens, est un petit vieillard à l’œil gris, maigre, cassé, recroquevillé comme un squelette de nain sous ses blancs vêtemens usés et troués ; assis devant le roi, ses mains tremblent, et il penche sur un rouleau de papyrus, — le livre-journal de l’accoucheur Imhotep, — un crâne jaune et luisant qu’on dirait exhumé de quelque hypogée : « Au cinquième jour du mois de thoth, je fus appelé auprès du roi. Avec mon aide, la reine accoucha d’une fille. Puis le roi Amasis me montra une autre enfant nouveau-née que je reconnus pour être celle de l’épouse d’Hophra, morte le trois de thoth. — Voici, dit Amasis, une orpheline ; Ladice et moi, nous voulons l’élever comme si elle était à nous : répands donc la nouvelle que Ladice est accouchée de deux sœurs jumelles. » — À ces mots, Cambyse bondit comme une bête fauve, et parcourut à grands pas la salle du trône. — « Au sixième jour du mois de thot, glapit encore le vieux prêtre, parut un serviteur du roi qui m’apporta la somme promise et un message : on me priait de procurer un enfant mort qui passerait pour la fille d’Hophra. J’obtins l’enfant d’une pauvresse, et le petit cadavre fut enterré avec pompe. »

« Guerre ! guerre ! A Memphis ! à Thèbes ! », Ces cris sortent de toutes les poitrines des Achéménides. Tandis que Phanès court en Arabie conclure une alliance, au nom de Cambyse, avec des chefs, de tribus nomades, afin que les Perses aient de l’eau et des guides dans le désert, Darius, Bartja et Zopyre vont observer l’Égypte, déguisés en soldats lydiens. Durant ce court séjour dans la vallée du Nil, Tachot s’éteint après avoir revu Bartja au milieu de la foule, lorsqu’elle montait en procession au temple d’Isis, et le jeune prince épouse Sappho, qui l’attendait toujours sous son berceau de roses. Le vieux roi Amasis suit sa fille dans l’Amenti, non sans adresser plusieurs discours à Psammétik et à la reine : à celui-là, il conte certaine fable d’Ésope qu’il tient de Rhodope ; devant celle-ci, une Hellène, il parle esthétique et religions comparées, il célèbre comme en un cantique les dieux antiques de la vallée du Nil, et, tout en reconnaissant que Pythagore était un grand sage, il exhale cette pointe avec son dernier souffle : « J’aurais rendu ma reine très malheureuse, si j’avais vécu comme le Zeus des Grecs. »

L’Égypte est envahie. Les tentes de l’armée de Cambyse couvrent