Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 7.djvu/452

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui déclare tout net que la liberté dont jouissent les Égyptiennes serait fort de son goût. Derrière Cassandane, dans un coin de l’appartement, se tient un personnage muet et énigmatique comme un sphinx : c’est Nebenchari, le médecin égyptien qu’Amasis avait envoyé à Cyrus pour guérir la reine des Perses d’une grave ophthalmie ; le jour, il déroulait en silence de longs papyrus ; la nuit, il observait les étoiles sur la plus haute tour du temple de Bel. Le grand-prêtre Oropastès doit instruire Nitétis dans la religion de l’Iran. « Me faut-il donc devenir infidèle aux dieux de ma patrie ? demande doucement l’Égyptienne. — Tu le peux et tu le dois, assure la mère de Cambyse ; l’épouse doit fermer son cœur aux croyances de sa première patrie, et n’avoir d’autres dieux que ceux de son époux. » Crésus est là d’ailleurs, qui explique fort bien, non sans attester Pythagore, génie familier à Nitétis, que le monde n’est pas plus régi par les dieux de l’Égypte que par ceux de la Grèce ou de la Perse, mais que la Divinité est une, quelque nom qu’on lui donne. C’est déjà un philosophe déiste que ce vieux roi de Lydie. Si les femmes l’ont compris, elles ont dû être encore plus étonnées que scandalisées ; mais Pythagore triomphe auprès de la fille ainsi que jadis auprès de la mère. « Ma mère Ladice, dit Nitétis, m’a enseigné quelque chose d’analogue. Qu’Ammon, le dieu de Thèbes, devienne donc pour moi Auramazda, qu’Isis ou Hathor soit Anahita ! Vienne le grand-prêtre, je l’écouterai. »

On célébrait dans tout l’empire le jour de naissance de Cambyse. Le mariage du fils de Cyrus avec Nitétis devait avoir lieu huit jours après. Les rois, les ambassadeurs, les satrapes, les capitaines de presque toutes les nations de la terre s’étaient rendus à Babylone. C’est dans la salle du trône un véritable défilé des peuples. Malheureusement on assiste à un entretien sans fin, fort invraisemblable aussi, de Cambyse avec deux Hébreux, le grand-prêtre Josué et Beltsazar, Juif opulent de Babylone : ces sujets du grand roi demandent qu’Israël puisse continuer la reconstruction du temple de Jérusalem, interrompue par suite des prétendues calomnies des gens de Syrie et de Samarie. L’Hébreu Beltsazar, qui doit savoir comment ou retrouve des documens, se fait fort de découvrir l’écrit de Cyrus relatif au temple dans les archives d’Ecbatane. Lorsqu’on songe que, dans la première édition, c’était Daniel en personne qui introduisait le grand-prêtre devant Cambyse, on sait gré à M. Ebers de s’être converti à d’autres idées par la lecture des livres de Hitzig, de Langerke, de, Merx et de Kuenen ! Quant à la harangue du chef des Massagètes (elle remplirait au moins une colonne du Times !), il est fâcheux que le goût fût déjà si mauvais chez ces barbares plusieurs siècles avant Quinte-Curce. C’est dans une