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une loi qui partage le monopole de cet enseignement entre le clergé et l’Université. C’est ce qu’a fort bien montré le rapporteur de la commission avec cette netteté et ce bon sens qui lui sont propres, et qui ont paru toucher la majorité. Seulement, si libérale qu’elle semble vouloir être en ce moment, elle ne l’est point encore assez pour accepter la liberté des cours, si l’on ne trouve le moyen de la rassurer contre le danger d’une liberté qui pourrait tourner à la licence et au désordre moral. Il est donc à craindre que, si la loi ne rencontrait pour partisans dans le parlement que les purs libéraux uniquement préoccupés du principe, elle ne réunît contre elle tout à la fois les radicaux de gauche, qui redoutent que la liberté ne tourne au profit du clergé, et les conservateurs de droite, qui craignent que les déclamateurs et les tribuns n’en abusent. Et comme une liberté de plus n’est jamais chose indifférente pour les libéraux sincères, il y a lieu de chercher un système de garanties aussi efficaces que possible, tout en conservant intact le droit qu’il s’agit de maintenir.

Mais où trouver ces garanties ? Sera-ce dans une simple définition de l’enseignement supérieur ? D’abord toute définition de cet enseignement paraît bien difficile. Quand on parle de l’instruction primaire ou de l’instruction secondaire, on n’éprouve aucune peine à en déterminer l’objet, les caractères propres et les limites. C’est tout autre chose pour l’enseignement supérieur ; il ne suffit pas de dire que le programme des cours de nos facultés en fixe l’objet. Le Collège de France, qui est un grand établissement d’enseignement supérieur, aborde des sciences qui ne sont point comprises dans ce programme. Et quand on réunirait dans un même programme tous les cours des facultés, du Collège de France, de la Bibliothèque nationale, du Muséum, de l’École polytechnique, de celle des hautes études, etc., on n’aurait pas encore embrassé tout entier ce cercle d’études et de sciences qui dépasse l’enseignement de nos écoles primaires et secondaires. Et fût-on d’ailleurs ainsi parvenu, par une énumération complète, à fixer l’objet de l’enseignement supérieur, quelle garantie réelle pourrait-on tirer de cette définition ? Qu’on exige du citoyen quelconque qui veut ouvrir un cours public d’un ordre supérieur une déclaration de l’objet de cet enseignement, rien de plus simple ; qu’on exige même le programme sommaire de ses leçons, cela n’a encore rien d’excessif. De pareilles précautions ne restreignent ni ne gênent en rien la liberté du professeur ; mais en quoi cette condition préalable peut-elle servir de garantie ? Le professeur n’en aura pas moins la liberté de donner à sa pensée tous les développemens qu’il lui plaira, que ces développemens rentrent où non dans le sujet, ou bien que, tout en faisant partie intégrante du sujet, ils aient le caractère d’un véritable enseignement