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dotations, et qui assure la durée aux universités du clergé. Ce n’est point avec la simple rétribution payée par les auditeurs qu’ils pourront se soutenir, alors qu’ils auront absorbé, pour les frais de premier établissement, les capitaux empruntés et le produit des premières souscriptions.

Tous les esprits impartiaux et pratiques qui veulent la liberté pour tous sont d’accord sur ce point ; d’où peut donc venir le dissentiment qui les sépare, et qui a donné lieu à un vif et brillant débat au sein du parlement ? C’est qu’à côté de la vérité de principe, il y a la difficulté d’application. Rien de plus simple et de moins contestable que le droit d’enseigner pour tout citoyen ; seulement on peut dire qu’il s’agit ici de la liberté de l’enseignement supérieur, et non de la liberté, de la parole publique, laquelle reste soumise au régime de l’autorisation préalable. Outre que le professeur admis à faire un cours public peut abuser de la parole pour enseigner de pernicieuses doctrines, qui peut répondre que, sous le titre de l’enseignement supérieur, il ne fera pas passer tout ce qu’il y a de plus contraire à cet enseignement, tout ce qu’il y a de moins instructif et de moins scientifique, des conférences amusantes, des discours et des harangues de club ? On serait donc disposé à droite à reconnaître le principe et même à l’appliquer dans la loi, mais à la condition de soumettre l’exercice de ce droit à des garanties sérieuses et vraiment efficaces. Or, comme jusqu’ici il n’est venu ni de la commission, ni du gouvernement, ni de l’initiative parlementaire, aucune proposition en ce sens, on semble arriver à cette solution pratique, que, faute de garanties suffisantes, l’exercice du droit individuel devenant dangereux pour l’ordre social, il faut y renoncer. Telle est, au fond, la portée de l’amendement développé par M. Fournier à la tribune avec une précision et une fermeté de logique à laquelle doivent rendre justice tous ceux qui l’ont lu plutôt qu’écouté. Exiger de quiconque veut faire un cours d’enseignement supérieur qu’il le fasse dans un établissement proprement dit, c’est-à-dire dans une faculté ou dans une université libre, et qu’il ait d’ailleurs le grade de docteur, c’est en réalité supprimer ce droit, en y mettant des conditions que ne pourrait réunir la plupart des professeurs qui voudraient prendre cette initiative tout individuelle. L’amendement de M. Fournier tranche donc la difficulté sans la résoudre.

Là en effet est le nœud de la question, et il suffit d’avoir suivi la discussion parlementaire, qui a eu pour résultat le renvoi de cet amendement à la commission pour juger à quel point il importe de serrer la difficulté de près. Si le droit de faire des cours indépendans de toute espèce d’établissement libre n’est pas reconnu, la loi sur l’enseignement supérieur n’a plus d’intérêt pour les vrais amis de la liberté, parce qu’il ne s’agit plus dès lors que de faire