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ou vaincus, telle est toute la question. Voilà où mène la négation du droit individuel en face du droit de l’état ; grande et salutaire institution quand il ne fait que protéger le droit de chacun, détestable machine d’oppression, s’il est aux mains d’un parti qui professe la souveraineté du but. Ce n’est pas un amant passionné du droit personnel comme M. Challemel-Lacour, encore moins un historien philosophe de la révolution comme M. Quinet, qui accepteraient de telles conséquences. Nous les avons connus croyant à des droits antérieurs et supérieurs à toute institution et à toute constitution contre lesquels ne peut prévaloir ni l’état ni la loi, quelle qu’en soit l’origine, et c’est pour cela que notre surprise a été grande en les voyant se lever contre le principe même de la liberté de l’enseignement. Un autre républicain qui n’est pas suspect de complaisance pour le clergé et le parti catholique, M. Pascal Duprat, dans un bon et libéral discours, s’est fait, aux applaudissemens de presque toute la gauche, l’organe des vrais principes en cette matière. « Voulez-vous la liberté commune, a-t-il dit à la droite, nous sommes avec vous. Voulez-vous seulement le partage d’un monopole avec l’état, nous sommes contre vous, et nous nous résignons à conserver l’enseignement supérieur aux mains de l’état. » Et qu’on nous permette de rappeler la touchante image par laquelle il a terminé ce discours, dont l’honneur du parti républicain avait besoin, même après les excellentes paroles du rapporteur de la commission : « J’ai lu quelque part que sous l’empire romain, dans une de ces guerres civiles qui désolaient souvent Rome, les Romains prirent un jour les images vénérées des dieux pour les renverser sur leurs adversaires et les en accabler. Nous aussi, nous jetons dans la mêlée les principes, qui sont nos dieux, des dieux plus vivans que ceux de l’antiquité, et, lorsque plus tard nous voulons les invoquer, nous ne les trouvons plus. »


III

Depuis que le vieil adversaire de la liberté de conscience, l’église catholique, a compris qu’il n’y avait plus pour elle, vu l’instabilité des gouvernemens, de salut et de dignité que dans le droit pour tous, l’école jacobine est la seule qui pourrait élever, si elle comptait encore des représentans parmi nous, des objections contre le principe même de l’enseignement supérieur. Ce principe admis, et il l’est par une très grande majorité dans l’assemblée, il ne reste plus que de savoir comment, dans quelle mesure et dans quelles conditions cette liberté devra s’exercer. Pourra-t-on enseigner sans grades ? Reconnaîtra-t-on le droit d’enseigner aux individus comme aux associations ? La loi laissera-t-elle, en face de la grande