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dans le salon des doctrinaires ; c’est la doctrine de la grande constituante, c’est même la doctrine de la terrible convention : ce n’est pas, nous en convenons, la doctrine des jacobins.

Avec la doctrine soutenue par M. Challemel-Lacour et ses amis, on irait fort loin, disions-nous. Quelle liberté trouverait grâce devant un tel principe ? Ce n’est pas la liberté de l’enseignement primaire, bien autrement suspecte à cette démocratie autoritaire pour des croyances qui lui sont antipathiques et auxquelles elle veut arracher à tout prix les enfans du peuple. Ce n’est pas la liberté de l’enseignement secondaire, qu’elle redoute moins avec un gouvernement qui a pour base le suffrage universel, mais qu’elle n’aime pas pourtant laisser à la dangereuse direction du clergé. Et quant à la liberté de la parole publique, sous toutes ses formes, allocutions, discours, conférences, comptes-rendus, harangues et déclamations de club, ce n’est pas l’école dont nous parlons qui pourra s’aviser de la réclamer, puisque ce sont là des exercices de la parole bien autrement faits pour troubler l’état et semer dans le pays divisé de nouveaux germes de discorde. L’autorisation préalable est trop de son goût pour qu’elle demande de lui substituer le droit commun.

Ce n’est donc pas seulement la liberté de l’enseignement supérieur qui est mise en question, c’est la liberté de la parole elle-même, sous quelque forme qu’elle puisse se produire. Au fond, n’est-ce pas là la pensée de l’orateur et de ses amis ? Il n’a fait aucune distinction entre le droit de parler et le droit de faire des cours, entre l’enseignement individuel et l’enseignement collectif, entre l’enseignement réduit à la parole volante d’un professeur ambulant et l’enseignement organisé de façon à comprendre un ensemble de cours permanens, en un mot entre le droit des individus et le droit des associations. On peut ajouter qu’il ne peut en faire, s’il est logique, puisqu’il parle au nom de l’unité nationale et de l’état, qui a le droit de supprimer toute liberté qui pourrait y porter atteinte. Nous avions toujours vu, nous autres professeurs de l’Université, proscrits ou révoqués ou démissionnaires pour refus de serment sous l’empire (et MM. Quinet et Challemel-Lacour en étaient), dans la liberté de l’enseignement une garantie pour nos doctrines, en même temps qu’une modeste ressource pour nos personnes. La plupart d’entre nous en ont usé, et ont été heureux de retrouver la protection de cette loi de 1850 sur l’enseignement primaire et secondaire qui n’a pas permis de leur interdire tout exercice de la parole sur toute la surface du territoire français. Un vrai jacobin, s’il en est encore parmi nous, en prend son parti. Prescripteurs ou proscrits, bourreaux ou victimes, il ne connaît pas ces mots qui réveillent des sentimens de justice et de pitié : vainqueurs