Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 7.djvu/397

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’enseignement public qui était restée jusqu’ici entièrement sous la main de l’état. Il semblerait donc que la loi discutée aujourd’hui ne peut soulever d’autre contestation que celles qui se rapportent aux détails et aux difficultés d’application. Sans se faire illusion sur le nombre et la gravité de ces questions pratiques, les amis de la liberté ne croyaient point avoir à défendre un principe qui avait déjà passé dans notre législation sur l’instruction publique. S’ils avaient eu quelque inquiétude à ce sujet, n’était-ce pas du côté des vieux adversaires de la liberté de la pensée et de la parole ou des partisans trop exclusifs du monopole universitaire ? Ils avaient, on vient de le voir, compté sans l’école dont M. Challemel-Lacour s’est fait l’éloquent organe. Ce n’est pas seulement telle ou telle disposition de la loi, c’est le principe même que cette école repousse. On ne veut pas de la liberté d’enseignement supérieur ; on ne veut d’aucune liberté d’enseignement.

Si l’on avait expliqué qu’on n’en veut point parce que le moment n’est pas venu, nous aurions pu faire cette question : quand trouverez-vous le moment opportun ? On nous répondrait sans doute : lorsque les esprits seront plus calmes et que le parti catholique aura renoncé à ses prétentions. Ce langage est bien connu ; c’était la réponse du gouvernement impérial à ceux qui réclamaient les libertés nécessaires, même au plus sage et au plus autorisé de tous. Mais ce ne serait pas rendre justice à l’école qui a fait connaître son programme à la tribune ; ce n’est pas un expédient qu’elle insinue, c’est une doctrine qu’elle proclame : l’état a seul le droit d’enseigner ou de faire enseigner ; la liberté d’enseignement ne doit point figurer dans la déclaration des droits de l’homme. Avec une négation aussi absolue, la logique pourrait mener loin les adversaires de cette liberté. Quelle est en effet la grande raison sur laquelle on fonde une pareille doctrine ? L’intérêt de l’état, c’est-à-dire de la nation elle-même, dont l’unité peut être menacée par l’anarchique concurrence d’enseignemens divers et, opposés. Que les partisans de cette espèce de principe de salut public nous permettent, par parenthèse, de leur faire observer qu’ils auraient mauvaise grâce à se récrier contre ces autres partisans de l’ordre moral auxquels ils reprochent si vertement de sacrifier les libertés publiques. Même principe, leur dirons-nous, et mêmes conséquences ; il n’y a de différence que dans l’application aux personnes et aux partis. Et qui décidera de cette application ? La force. Voilà un beau droit politique ! Si l’on nous répond que la force devient le droit quand elle est mise au service de la loi qui nous régit, c’est-à-dire du suffrage universel, nous demandons à ces trop fidèles disciples de l’auteur du Contrat social ce qu’ils font de la déclaration des droits de l’homme. Celle-là n’a pas été inventée, que nous sachions,