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voulu, en nous créant, faire de nous de purs instrumens de ses volontés. Le plus grand acte que vous ayez pu faire et que votre foi rend si méritoire, c’est de la proclamer avec nous. Nous allons donc la faire entrer dans l’enseignement supérieur. Vous en userez pour la conservation de vos doctrines, comme c’est votre droit et votre devoir ; nous en userons pour le progrès des nôtres avec les mêmes sentimens, et le pays sera notre juge à tous. Sous un régime où toutes les voix pourront se faire entendre, toutes les lumières se produire, toutes les volontés entrer en action, si c’est l’erreur et le mal qui l’emportent, la pauvre humanité n’a plus qu’à se voiler la tête et à se donner pour victime de l’aveugle destin. Vous êtes trop chrétien, monseigneur, pour ne pas croire à la toute-puissante action de la divine providence. »

M. Challemel-Lacour a répondu à l’évêque d’Orléans. Beau langage et grand talent ; mais quelle thèse et quels argumens ! Dans l’expression de sa pensée, M. Challemel ne connaît guère plus les nuances et les distinctions que son éloquent adversaire malgré la parfaite correction et la mesure étudiée de son langage. D’abord quel est ce prétendu droit que l’on met au-dessus de toute contestation ? C’est le parti catholique qui a mis en avant cette machine de guerre depuis que la révolution a arraché à l’église le pouvoir d’opprimer les consciences. Qui êtes-vous pour parler de liberté, et au nom de qui parlez-vous ? Êtes-vous bien sûrs que Rome ne vous désavoue point à l’heure qu’il est, et que le Syllabus, que vous interprétez avec une si généreuse sagesse, ne se dresse pas tout entier contre vous pour vous accabler de son implacable autorité ? Mais trêve aux récriminations ! Voici qui est bien autrement grave : cette liberté d’enseignement dont on fait tant de bruit n’est propre qu’à diviser la grande famille française, à troubler l’état, à détruire cette unité nationale commencée par la monarchie et achevée par la révolution, sous l’action incessante du génie même de la France. Et en quel moment le parti catholique vient-il faire cette audacieuse entreprise ? Au moment où la lutte est engagée dans toute l’Europe entre l’esprit catholique et l’esprit laïque, et où « les gouvernemens, par des moyens légitimes ou violens, croient devoir se mettre en mesure de se défendre contre ce qu’ils appellent les menaces, les envahissemens, les rébellions de l’esprit catholique. » Ne craignez-vous pas de fournir à l’homme d’état qui poursuit cette lutte le prétexte d’une nouvelle guerre ?

Voilà le discours de M. Challemel résumé en quatre sophismes, dont le dernier est une grosse imprudence à l’endroit de l’étranger. Est-ce là le langage d’un radical, c’est-à-dire du philosophe qui met son honneur à pousser la logique des principes jusqu’à l’idéal et à l’absolu ? Hélas ! non. Ce n’est que la froide et tranchante