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l’on s’inscrivit pour les suivantes. Tout n’a pas peut-être marché aussi vite dans les paiemens successifs ; mais les preneurs étaient liés et, de gré ou de force, astreints à l’épargne. D’autres couches de chalands arrivèrent ensuite avec plus de ressources et en offrant plus de garanties. Somme toute, l’affaire avait réussi, et peu à peu, près du vieux Mulhouse, s’était élevé un Mulhouse nouveau avec plus d’air et plus d’espace. Naturellement, en qualité de propriétaires, les ouvriers voyaient de meilleur œil le principe de la propriété, dans le respect duquel en général on ne les élève pas, et prenaient plus de goût à la vie en famille, à laquelle ils préfèrent si souvent d’autres distractions. Cette tentative ne fut pas seulement un succès, ce fut un exemple. De toutes parts la cité de Mulhouse eut des imitations, et dans le nombre plusieurs qui furent heureuses.

D’autres détails d’ailleurs s’y rattachèrent qui donnèrent une valeur de plus à l’idée originaire. Le groupe formé, on rechercha sur-le-champ ce qui pouvait y devenir d’usage commun et d’utilité commune. La prévision était que ces services seraient mieux faits et à des prix plus réduits. On eut dès lors une buanderie commune, des lavoirs et des bains communs, un restaurant et une cuisine où des vivres étaient livrés au prix coûtant et au besoin servis dans un réfectoire commun. Un pas de plus, on serait tombé dans l’utopie, cet écueil des systèmes analogues. A Mulhouse, on s’est arrêté à temps ; la réforme principale avait porté coup. On avait converti en ouvriers sédentaires des ouvriers trop souvent nomades ; il ne s’agissait plus que d’attendre les effets de la métamorphose. Le reste viendrait par surcroît : il suffirait d’y ajouter, comme élémens auxiliaires, de bonnes écoles pourvues de maîtres instruits et un enseignement technique approprié à l’échelle des emplois, sans excès comme sans lacunes, ce qui convient en un mot à des ouvriers qui doivent rester ouvriers.

C’est sous cette forme de l’assistance que, dans la Haute-Alsace, le patronage des fabricans s’est surtout montré largement secourable ; il n’a rien épargné de ce qui tient à honorer la profession et en rehausser le niveau. A aucun degré ni sur aucun point, les moyens de s’instruire ne font défaut. Tout abonde d’ailleurs dans cette Alsace, qui semblait vouée à la recherche de tous les besoins et au soulagement de toutes les souffrances, pour les enfans en bas âge des crèches, pour les vieillards des refuges. A quelque porte que l’on frappât, on trouvait toujours de l’argent pour quelque bien à faire. S’agit-il d’une école de dessin, en quelques jours, on réunit des fonds, on approprie l’école, on installe les élèves ; ce n’est pas le caprice d’un jour ni un engouement passager, c’est une fondation permanente. Un matin, un accident de machine a lieu dans