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Servie par de tels hommes et de telles inventions, la filature marcha d’un tel pas dans la Haute-Alsace qu’elle eut bientôt pris la tête du marché français. Elle était restée en 1825 à un total de 466,368 broches pour tous les numéros ; nous la trouvons à 540,000 brochet en 1834, à 683,000 en 1839, stationnaire jusqu’en 1849 avec un chiffre de 786,000 broches pour cette dernière année ; elle se relève en 1856 jusqu’à 975,000 broches, et se maintient par une progression constante à 1,154,220 en 1859, à 1,234,626 en 1863, à 1,328,666 en 1865, enfin à 1,428,666 en 1866. Ce dernier chiffre est presque un apogée pour la période de la nationalité française, et il faut l’accroître des quantités qu’y ont ajoutées les métiers à filer automates récemment introduits. comme récapitulation finale, il est consolant de s’appuyer sur une production de près de 1,500,000 broches, quand on a commencé par quelques centaines de mille péniblement recueillies.

En faisant le même travail pour le tissage, on arrive à des conclusions équivalentes. Seulement il faut tenir compte, pour les métiers à tisser, d’une circonstance qui n’existait pas au même degré pour les métiers à filer. Le tissage à bras a été, pour la plus grande part, remplacé par le tissage mécanique ; à côté du travail de croissance, il y a eu un travail d’élimination. Le gros du tissage à la main a disparu pour n’en laisser debout que 3 ou 4,000 métiers réservés pour la fabrication de quelques tissus particuliers, et dans le nombre ceux de Sainte-Marie. Quant aux métiers mécaniques, ils croissent en nombre et souvent en activité. Naguère, quand on avait porté à cent coups par minute la vitesse d’un métier, on croyait avoir commis un excès ; on a poussé aujourd’hui les choses jusqu’à des vitesses vertigineuses, 140,160 et jusqu’à 200 coups de battant par minute. A un homme ou à une femme par métier, on pensait avoir atteint une proportion raisonnable ; aujourd’hui il est admis qu’une femme peut et doit conduire deux métiers à la fois, un homme à plus forte raison. On assure qu’en Angleterre il est des hommes et des femmes qui conduisent jusqu’à quatre métiers. Un tel régime maintenu dans la poussière et le bruit et au milieu des duvets de coton qui remplissent l’atmosphère est évidemment un abus des forces humaines. En Alsace pourtant, le progrès des tissages n’en a pas été enrayé, comme on pourra le voir par quelques chiffres empruntés à des tableaux officiels. Il n’y sera question naturellement que des métiers mécaniques, les seuls qui comptent désormais.

Au début, c’est un nombre insignifiant, 426 métiers mécaniques en 1831, — il est vrai que dans la colonne parallèle figurent 21,651 métiers à bras ; en 1834, 3,000 métiers mécaniques contre 31,000 métiers à bras ; en 1844, 12,000 métiers mécaniques contre