Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 7.djvu/371

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

déjà produit. Une grande portion des établissemens qui voulaient y échapper avaient émigré, les uns dans les plaines qui bordent le Rhin et qui déjà faisaient partie de l’Alsace française, les autres dans les vallées des Vosges, en s’arrêtant à la limite des pentes ou en y pénétrant à de plus grandes profondeurs. C’est par ce besoin et dans ces conditions que furent fondées les fabriques de Cernay, de Thann, de Munster, de Guebwiller et de Sainte-Marie-aux-Mines. La maison de Wesserling, qui a un beau nom dans l’histoire des toiles peintes, a une autre origine : elle s’était établie en 1760 dans l’ancien château des abbés de Murbach ; mais dès ce moment toutes les positions étaient prises et se sont maintenues jusqu’à nous. On a vu ce que cherchaient dans leur dispersion toutes ces industries : le plus de franchises possible et un site favorable, c’est-à-dire une force hydraulique, des populations laborieuses et une main-d’œuvre à bon marché.

Ici commença le grand mouvement de la Haute-Alsace, réunie indissolublement, semblait-il, à l’empire français, qui lui apporta bientôt après, comme don de joyeux avènement, le marché général de l’Europe, assujetti par la conquête et mis à l’abri de toute atteinte par le blocus continental. Ce fut, pour Mulhouse surtout et les succursales environnantes, un coup de fortune, qui dura autant que l’éclat de nos armes et porta à leur plein essor non-seulement les manufactures d’indiennes, mais tous les ateliers auxiliaires où s’accomplit à des degrés divers le traitement du coton, la filature, le tissage, la teinture. Naturellement d’autres fabrications venaient à la suite de celle-là, entre autres la construction des machines et la préparation des produits chimiques, qui y sont étroitement liées. L’Alsace ne voulut abandonner à aucune de nos provinces, et encore moins à l’étranger, l’honneur et le souci de créer le capital d’instrumens qui devait servir à son usage. Son génie était là-dessus d’accord avec ses besoins, et les fonds naissaient pour ainsi dire d’eux-mêmes par les fruits de son activité. En somme, il y eut là un mouvement si vif et s’appliquant à tant de branches que ce qui survint plus tard peut être considéré comme le résultat d’une impulsion acquise. Ni les crises commerciales ni les vicissitudes politiques n’eurent la puissance d’enrayer une fortune qui triomphait d’accidens secondaires par la seule force de sa vitalité. On pourra en juger par la marche de l’industrie de l’indienne, qui en réalité fut l’industrie maîtresse, celle qui tint le premier rang dès le début, celle qui exige le concours de l’art du dessinateur et de la science du chimiste.

A quelque période qu’on la prenne dans le cours de ce siècle, on la trouve constamment en voie de croissance, sauf une nuance