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surmontée d’un dôme cannelé, renferme, selon les habitans de Damas, le tombeau de saint Jean-Baptiste. L’église chrétienne était en effet dédiée au précurseur. Dans l’immense parvis, nous remarquons, sur un édicule en forme de baptistère, et sur le mur même de la mosquée, des mosaïques fort anciennes et bien conservées. On en voit également à la mosquée de Malek-Daher. Les minarets des quatre angles, indépendans de l’œuvre principale, sont originaux, sobrement décorés de rosaces déliées, d’arabesques, de stalactites et de culs-de-four. Le tout est bâti par assises alternées de pierres blanches et noires, comme la cathédrale de San-Lorenzo à Gênes. Il me souvient à ce propos d’une merveilleuse chapelle, morceau de marbre orfèvre par le Sansovino, dédiée à saint Jean, dont les reliques auraient été apportées de Palestine à Gênes, et placée dans le vieux vaisseau gothique comme celle de Damas dans la mosquée. N’y a-t-il pas dans ces analogies la trace d’un souvenir immédiat, rapporté par quelque croisé de la ville des califes à celle des doges ? Il y a encore à San-Lorenzo, perdu dans l’ombre et la solitude du chœur, où j’ai confondu parfois le soir sa vivante et fervente figure avec les femmes en prière qui l’entouraient, un vieux moine de pierre, agenouillé dans sa robe blanche sur la table de son tombeau ; je me rappelle avoir songé longtemps auprès de ce personnage mystérieux, qui me retenait comme s’il avait quelque chose à me dire ; n’était-ce pas un apôtre des Sarrasins qui me voulait faire à mon insu la première révélation de cet Orient où je devais être appelé à vivre un jour ?

Le grand attrait et la grande originalité de Damas, le seul côté de la ville qui puisse défier sans péril les caprices de l’imagination, ce sont les intérieurs de maisons. Extérieurement, je l’ai dit, toutes les habitations se ressemblent par une pauvreté égale. On y pénètre par quelque porte basse, par quelque couloir borgne et timide ; les gens de ce pays, les chrétiens et les juifs surtout, sont payés pour nourrir toutes les craintes et cacher leurs richesses sous une enveloppe misérable, comme dans nos ghettos du moyen âge. En franchissant le seuil, on ne sait jamais si l’on tombera dans une cabane ou dans un palais. Grâce à notre aimable guide, M. Robin, gérant de notre consulat, nous ne frappons qu’aux meilleures portes.

La disposition intérieure de ces habitations est à peu près la même partout : une cour rectangulaire, pavée de marbre, avec un bassin d’eau vive au milieu des orangers, des citronniers, des grenadiers, sortent des dalles précieuses, ombragent la vasque limpide et emplissent la cour du parfum de leurs fleurs et de l’éclat de leurs fruits. Tout autour règnent des galeries ou des appartemens de plain-pied ; sur un des côtés le sélamlik, salon de parade, parqueté, dallé