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ceptibilité qu’on porte dans les négociations engagées jusqu’ici. On procède réellement un peu trop comme si on voulait se tromper mutuellement ou comme si l’on craignait toujours de tomber dans un piège. On discute sur des nuances et des subtilités comme si dans chaque mot il y avait une réticence. Faudra-t-il rappeler dans une déclaration générale que la loi du 20 novembre a nommé M. le maréchal de Mac-Mahon président de la république pour sept ans ? Quelle est celle des lois constitutionnelles qui aura le premier pas dans la discussion ? Qui sait ? Si on accepte tout simplement la république, qu’on ne peut pas supprimer, le centre gauche et la gauche ne tireront-ils pas parti de cette acceptation résignée ? Si on commence par voter la seconde chambre, le centre droit ne s’arrêtera-t-il pas ensuite devant la transmission éventuelle du pouvoir exécutif ? Et voilà dans quels raffinemens on se perd, le centre droit se demandant s’il peut se fier au centre gauche, et le centre gauche épluchant chaque parole du centre droit, si bien qu’au bout du compte, après avoir discuté, négocié, parlementé, on finit par se trouver au même point sans avoir rien fait, sans avoir atteint un but saisissable. Les uns et les autres restent en présence. Il serait temps en vérité de sortir de ces broussailles, de relever à leur juste hauteur tous ces problèmes d’organisation qui intéressent si vivement, si profondément le pays.

Est-on d’accord sur les points essentiels ? Voilà toute la question. Si on n’a pu arriver à s’entendre, c’est bien clair, la dissolution ne tardera pas à s’imposer. Si on est d’accord sur les conditions principales, qu’on agisse sérieusement, sans s’arrêter à des détails secondaires, sans se laisser enchaîner par de médiocres considérations de susceptibilité. C’est le rôle des chefs parlementaires, de ceux qui ont une certaine influence et une autorité par leur position comme par leur talent. Ils ne sont pas à l’assemblée pour leur plaisir ou pour leur vanité, pas même, dans un moment comme celui-ci, pour faire tout ce qu’ils voudraient ; ils sont là pour servir le pays, pour aider au bien dans la mesure de ce qui est possible et pour savoir au besoin prendre certaines initiatives quand il le faut. La France, qui voit tout et qui ne comprend pas toujours les bizarreries qu’on lui offre pour ses étrennes de nouvelle année, la France ne rejettera pas ses mécomptes sur les hommes obscurs qui ne sont en définitive que les soldats de toutes les armées parlementaires ; elle en accusera ceux qui ont un nom dans la politique, ceux qui, après avoir disposé de sa souveraineté, n’auraient su en rien faire, et se laisseraient conduire aujourd’hui aux crises décisives de la prochaine session sans avoir préparé les transactions appelées par tous les intérêts.

Le gouvernement, quant à lui, a son rôle tout tracé par les difficultés de sa position aussi bien que par les réclamations persistantes de M. le