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crivait la nomination immédiate d’une commission chargée de préparer les lois constitutionnelles. Ou cet acte du 20 novembre n’avait aucun sens, ou il faisait de l’organisation constitutionnelle le complément nécessaire, indispensable, de la prorogation. C’était la pensée de M. le président de la république lui-même. Qu’est-il arrivé cependant ? On dirait que dès ce jour-là l’équivoque est entrée en souveraine dans nos affaires, que, la prorogation une fois adoptée, il n’y a plus eu dans les partis qu’une préoccupation, une préméditation, celle d’éluder les conséquences de ce qu’ils venaient de voter. La commission des trente a été nommée, et elle a commencé par procéder comme si elle avait parfaitement conscience qu’elle avait été instituée pour ne rien faire, pour gagner ou perdre du temps. Elle s’est hâtée lentement. Le jour où, après cinq mois, M. le duc de Broglie, alors vice-président du conseil, a voulu demander la discussion d’une loi électorale et présenter un projet de sénat ou de grand-conseil, il a été abandonné par une fraction de la majorité qui l’avait soutenu jusque-là ; il est tombé sur le coup, la défection de l’extrême droite lui a fait sentir la valeur du concours qu’on lui prêtait. Quand M. Casimir Perier a fait la proposition qui pouvait être un élément de transaction, qui n’avait en définitive d’autre objet que de réclamer l’exécution de la loi du 20 novembre et l’organisation du gouvernement, la proposition a été repoussée. Quand M. le maréchal de Mac-Mahon est intervenu personnellement de la façon la plus énergique et la plus pressante par son message du 9 juillet, la majorité a feint de ne pas entendre, et la parole de M. le président de la république est restée un appel inutile qui a provoqué les railleries des grands politiques de l’extrême droite. Lorsqu’enfin, de guerre lasse et à la dernière heure de la session, la commission des trente elle-même est arrivée avec un projet dont M. de Ventavon était le rapporteur, l’assemblée a trouvé qu’il était temps d’aller se recueillir et respirer sous les frais ombrages, qu’elle avait bien gagné ses vacances en s’épuisant à ne rien faire. Au mois de juillet, elle a répondu à M. de Ventavon en s’empressant d’ajourner les affaires sérieuses à la’ session de décembre.

Voici que décembre est fini, et l’assemblée, déjà bien embarrassée dans les discussions qui commençaient à se produire, vient de s’ajourner de nouveau jusqu’au 5 janvier 1875, sous le prétexte fort respectable de ne pas troubler les fêtes de famille et les transactions de la saison par des agitations parlementaires. C’est là l’histoire d’une année assez stérile, on en conviendra, passée à ériger l’inaction en système, à jouer avec l’équivoque. Au 5 janvier cependant il faudra bien en venir à serrer de plus près et définitivement tous ces problèmes qui épuisent tous les pouvoirs en fatiguant l’opinion. Il le faut pour le pays, pour le gouvernement comme pour l’assemblée.