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cès semblait à peine possible en si peu de temps et ne l’a été en effet qu’à force de soins et de prudence. Avant que 1873 arrivât à sa dernière heure, la libération du territoire était accomplie ; l’invasion ne se survivait que par les blessures qu’elle a faites, par les souvenirs qu’elle a laissés, par les conditions laborieuses et pénibles qu’elle a créées. Qu’aura produit à son tour cette année qui finit, qui se levait sur une nation délivrée de la veille, replacée désormais en face d’elle-même et de sa reconstitution intérieure ? Elle n’a peut-être pas le droit de se montrer bien triomphante, cette année qui s’en va assez tristement, ensevelie dans la neige et la glace d’une nuit d’hiver, laissant derrière elle toute sorte de questions obscures ou indécises, les partis plus implacables que jamais dans leurs prétentions. Elle risque de n’avoir qu’une modeste épitaphe et de figurer assez avantageusement parmi les années stériles ou inutiles. Ce n’est pas que toutes les fortunes lui aient manqué et qu’elle n’ait eu, si l’on veut, ses compensations. Elle a eu d’abord la paix, le premier des biens aujourd’hui ; elle a eu la faveur d’une récolte abondante, et le travail est si peu interrompu que les chiffres du commerce offrent une amélioration sensible sur 1873, — 3 milliards 445 millions d’importations contre 3 milliards 204 millions, et 3 milliards 507 millions d’exportations contre 3 milliards 488 millions. Sans doute la nature a été clémente, le soleil a fécondé la terre, et le pays, quant à lui, n’a pas cessé d’être laborieux comme il l’est invariablement quand on ne le trouble pas, quand on le laisse à la saine activité de sa vie et de ses affaires. C’est la politique qui reste nouée, qui ne peut arriver à se débrouiller elle-même, à trouver les conditions de sécurité nécessaires pour tous ces élémens de vitalité si énergiques, toujours si prompts à renaître en France. Voilà le mal auquel cette stérile année n’a pas porté remède, qu’elle laisse au contraire aggravé et compliqué, au point que les médecins particulièrement attitrés pour le guérir semblent n’avoir plus d’autre moyen que de s’en aller en congé le plus souvent qu’ils peuvent. Ils se fient sans doute à la nature, au tempérament du patient, et ils ont peut-être raison ; seulement ils s’exposent à ce que le patient finisse par être d’avis qu’il y a bien du temps perdu en consultations inutiles dont le dénoûment est toujours un congé.

C’est là en effet le plus clair du bulletin politique de 1874. On a vécu tant bien que mal et on n’a rien fait, ni pour le pays, qui attend d’être fixé, garanti dans ses intérêts, ni pour le gouvernement, qui demande en vain une organisation qui lui a été promise, dont il a besoin pour jouer son rôle avec une sérieuse et efficace autorité. Au moment où l’année commençait, toutes ces questions existaient déjà, et elles semblaient même si pressantes que la loi du 20 novembre 1873, qui donnait le pouvoir pour sept ans à M. le maréchal de Mac-Mahon, pres-