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comme par un créneau, que s’échappe la lave dans les éruptions. C’est par là qu’elle s’est frayé, il y a quinze ans, un large passage vers la mer. Le fond du cratère est comblé d’une glaise molle au milieu de laquelle les solfatares, dirigées toutes parallèlement du nord-est au sud-ouest, en longues tranchées, répandent une fumée brûlante et vomissent du soufre et des matières vitrifiées. Du haut du volcan, la vue s’étend sur toute la baie qu’il sert à désigner, sur l’interminable forêt qui l’entoure, sur Hakodaté et les côtes du Nippon, que l’on distingue dans le lointain.

A Nanaï, une ferme modèle, dirigée par le kayetakushi, où l’on voit de superbes chevaux tirer des charrues en fer, fait regretter qu’au point de vue agricole on n’ait pas, de préférence à Satsporo, choisi la plaine d’Hakodaté comme champ d’expérience. On y fait des croisemens de chevaux américains avec des jumens japonaises, et de taureaux de Durham et de Devon avec des vaches du pays. Il est malheureusement impossible de mener paître ces animaux, l’herbe qui pousse à Yézo est impropre à les nourrir. Les porcs réussissent à merveille ; quant aux moutons, à quoi bon les reproduire tant qu’on n’aura pas de pâturages ? Ce qui frappe dans tous les établissemens de ce genre, c’est la préoccupation d’imposer à tout prix à la terre des productions qu’elle ne donne pas d’elle-même. L’essai qui a été fait surprend plutôt le touriste qu’il ne satisfait l’économiste.

En approchant d’Hakodaté, je vois une foule de navires de guerre, mais je cherche vainement le paquebot du Pacifie-Mail qui doit me ramener à Yeddo ; la compagnie, ayant vendu plusieurs navires au gouvernement pour la guerre de Formose, ne peut faire qu’un service irrégulier, et je serais prisonnier pour dix ou quinze jours sans l’offre de plusieurs officiers de la corvette allemande l’Elisabeth, où je trouve une aimable hospitalité.

Sans avoir parcouru, tant s’en faut, la totalité de l’île, j’ai pu en rapporter une idée complète, s’il est vrai, comme on me l’assure, que la côte orientale présente à peu près le même tableau que la côte ouest. La nature de Yézo, plus sévère et plus grandiose que celle du Nippon, offre aux yeux de moins rians aspects. Le caractère sauvage du paysage semble se communiquer à sa population. Nulle part on ne se dit ce mot si souvent répété dans le Nippon : « c’est là que je voudrais vivre. »

Le climat est rude sans cependant être intolérable ; le sol ne comporte pas la culture du riz. Malgré ces inconvéniens, c’est une riche contrée pour qui saurait en tirer parti. Couverte de forêts, elle peut donner des bois de construction ; le sapin lui manque presque absolument, elle a le chêne, l’orme, le hêtre, le frêne, le châtaignier, sans parler de l’érable, de l’aulne, du saule, etc. (.33 espèces