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d’apparence plus ou moins monumentale, imitant assez imparfaitement la pierre de taille, et servant à loger soit les employés japonais qu’on voit écrire au milieu des paperasses dans les bureaux, soit les différens ingénieurs, américains attachés au département colonial ; à quelques centaines de mètres de ce quartier officiel, on traverse un canal qui par une rivière communique avec l’Ishikari et la mer. Je ne sais pourquoi il est à sec aujourd’hui. Au-delà on rencontre les magasins, une scierie mécanique et une scierie hydraulique organisées sur de grandes proportions ; c’est la seule industrie qui se révèle. Ainsi isolée du monde, sauf la communication par eau avec Ishikari et par terre avec Hakodaté, tous deux fort éloignés, la ville ne peut ni écouler facilement ses produits, ni facilement recevoir les denrées indispensables qui lui manquent ; aussi tout y est-il à des prix décourageans. Une bouteille de pale ale, qui coûte à Yeddo 1 fr. 25 cent., m’a été vendue là 3 fr. 75 cent.

Quant aux cultures resserrées entre la ville et la forêt dans un espace fort étroit, elles n’ont pas pris assez de développement pour donner des revenus ; mais elles suffisent à prouver la fertilité du sol, apte à produire du froment, des pommes de terre, du maïs, du chanvre, etc. Il ne manque que des bras pour faire tomber les arbres, labourer et récolter. En somme, l’avenir relèvera peut-être le culte de la charrue à Yézo, mais, comme tentative agricole, l’essai semble à première vue et passe aux yeux des plus compétens et même des intéressés pour une tentative avortée. On parle de 6 millions de piastres engloutis dans cette entreprise, chiffre difficile à vérifier, plus difficile à comprendre en présence du résultat obtenu, si l’on ne savait combien le moindre travail coûte cher à un gouvernement mal servi.

Il serait injuste de rendre responsables de cet échec les étrangers appelés auprès du département colonial. On sait qu’en toutes choses le gouvernement aime à prendre des avis sans s’astreindre à les suivre, agit par lui-même, et ses fonctionnaires européens sont moins des conseillers que des livres parlans toujours ouverts à la bonne page. On peut affirmer sans crainte de se tromper que beaucoup de bons avis ont dû être perdus, que beaucoup de mesures combattues ont été cependant exécutées. On ne saurait trop louer au contraire l’activité déployée par les jeunes ingénieurs qui, résidant à Yézo pendant les trois seuls mois d’été où le climat le permette, se répandent dans l’intérieur du pays pour en faire, dans de rudes voyages, l’exploration scientifique. Ce sont eux qui ont tracé la route d’Hakodaté : l’un fait en ce moment la trigonométrie de l’île, travail de géant, si l’on songe aux difficultés d’un pays boisé et sans chemins ; l’autre a organisé un télégraphe qui, lorsqu’il