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Quand même on ne verrait pas se dresser les têtes coniques de plusieurs volcans, la configuration du sol annoncerait assez ici le soulèvement lent, là les convulsions violentes, partout l’activité très récente encore des couches souterraines. Si on longe la côte en bateau, on voit de hautes falaises formées tantôt d’un conglomérat aux stratifications fortement inclinées, tantôt de roches basaltiques au milieu desquelles sont enchâssées des scories noires. Presque partout les roches du fond se relèvent vers la côte, ou les éboulemens encombrent les plages et rendent l’abord très difficile, même pour les jonques, que doivent desservir des chalands plats. La mer du Japon, généralement mauvaise, comme toutes les manches, devient très dangereuse quand on s’approche de cette côte inhospitalière. Si l’on s’avance par terre, le chemin se rapproche autant que possible des hameaux de la côte, mais il est interrompu à tout moment par des promontoires que vient battre la mer, et qu’il faut escalader en rentrant sous bois.

Le littoral est la seule partie habitée ; les villages s’y suivent d’assez près ; qui en a vu un les a vus tous. Un chemin pierreux soutenu par des piquets suit le rivage, où viennent se serrer, adossées à la falaise, quelques maisons de bois, un plus grand nombre en branchages, une ou deux auberges de médiocre apparence, un hondjin et de grands chaudrons encastrés dans la maçonnerie, d’où, le soir venu, on voit sortir les baigneurs tout fumans. Quelques jonques ou grands canots de pêche tirés à terre et recouverts d’un toit de chaume, d’autres à l’ancre en dehors des brisans, et tout au bord des bateaux plats, tel est le spectacle en somme peu animé qu’offre chaque bourgade. On en reconnaît l’approche à une forte odeur de poisson sec. Ce poisson (hareng ou saumon), trop salé pour nous paraître mangeable, se charge en très grandes quantités pour les ports du Nippon. Aucun poisson ne pullule autant que le saumon, et nulle part plus qu’à Yézo ; on en recueillerait même davantage sans l’impôt exorbitant qui pèse sur cette pêche et qui, dans beaucoup de districts, va jusqu’au quart du produit. Or il faut savoir que cet impôt se paie en nature et qu’il est perçu lorsque le pêcheur a déjà eu la peine de convoyer sa marchandise pendant plusieurs jours et plusieurs lieues par d’épouvantables chemins jusqu’au plus proche marché, c’est-à-dire lorsqu’il a doublé les frais généraux de capture. Aussi beaucoup préfèrent-ils ne prendre que ce qui est indispensable à leur consommation annuelle, sans en faire un commerce plus pénible que profitable.

Une autre pêche, ou, pour mieux dire, une récolte plus abondante encore, c’est celle du chou de mer, si répandu dans le commerce de l’extrême Orient sous son nom anglais de sea-weed. C’est