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semble se contenter à la rigueur des terrains maigres et secs, on peut espérer en faire en Algérie une ressource pour les reboisemens de montagnes ou des fonds arides. Tout en profitant, s’il y a lieu, de cette disposition de l’eucalyptus ù. braver la sécheresse et l’infertilité relative du sol, il ne faudrait pas néanmoins, sur le second point surtout, se faire trop d’illusions. Rien ne vient de rien, et les plantes même à tempérament de chameau ne s’accommodent de l’aridité du désert qu’à la condition d’aller puiser profondément l’eau dont elles ont besoin pour végéter : ce qu’on peut dire à cet égard de l’eucalyptus, c’est qu’il résiste aux sécheresses d’été et profite des pluies d’automne, d’hiver et de printemps, partout où la douceur du climat lui permet de végéter sans interruption durant cette période.

C’est cette admirable continuité de végétation qui fait comprendre la fabuleuse rapidité de croissance de l’eucalyptus. Lorsque les racines plongent dans un terrain frais et fertile, comme au Hamma, près d’Alger, la croissance en hauteur des jeunes sujets peut atteindre en moyenne 0m,50 par mois (Hardy). A Cannes, un semis d’un an mis en place en mai atteint environ 6 mètres au mois de décembre suivant ; l’année d’après, même pousse de 6 mètres environ ; à partir de la troisième année seulement, cette impulsion commence à se ralentir, mais elle demeure assez forte pour qu’un sujet comme celui des frères Huber, à Hyères, planté en 1857, fût en 1872 un arbre de plus de 25 mètres de hauteur[1].

Ce n’est pas seulement comme producteur hâtif et fécond d’un bois utile que l’eucalyptus a déjà conquis une véritable célébrité ; l’hygiène, la médecine, y trouvent des ressources dont il nous reste à donner un aperçu général.


IV

L’arbre à la fièvre, tel est le nom vulgaire de l’eucalyptus dans la bouche du peuple de Valence (Espagne), et ce nom traduit la croyance générale aux propriétés de cet arbre contre les fièvres paludéennes ; mais il y a deux manières de combattre ces affections habituellement endémiques. On peut d’abord les attaquer préventivement dans leur cause par l’assainissement du pays : c’est le

  1. Voici ce que m’écrit M. Ramel de Hussein-Dey, près d’Alger, en date du 4 mai 1874 : « J’ai chez moi près de 14,000 eucalyptus globulus plantés de mars en avril dernier. En vue de la production des feuilles, je les ai serrés à 1 mètre, 1 mètre 1/2, 2 mètres 1/2. C’est splendide à voir ! J’en ai mesuré un qui a 4m,20 de hauteur, 3m,75 d’envergure et 0m,25 de tronc ou circonférence. Il a été semé en janvier 1873, planté le 25 mars 1874. »