Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 7.djvu/164

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Une illusion aujourd’hui bien dévoilée a pu faire croire aux jardiniers que des plantes des tropiques s’habituaient à vivre dans les zones tempérées ou froides lorsque, d’abord cultivées en vase et en serre, elles semblaient tout d’un coup pouvoir affronter les rigueurs de la pleine terre et du plein air. Tel fut le cas des dahlia du Mexique ; mais on oubliait deux circonstances dans l’appréciation du vrai tempérament de ces plantes : d’abord qu’elles croissent spontanément dans une zone d’altitude relativement tempérée et nullement torride par le climat, puis que la moindre gelée en détruit les parties extérieures, aussi bien aujourd’hui que dans les premières années de leur introduction en Europe. « Acclimatation, douce chimère des jardiniers ! » disait Aubert Du Petit-Thouars, et ce mot d’un botaniste de génie est resté la condamnation irrévocable d’une théorie aussi fausse que spécieuse.

On ne voudrait pas contester à des sociétés justement célèbres le titre de sociétés d’acclimatation qu’elles ont inscrit sur leur drapeau ; mais il y a quelque intérêt à prémunir le public contre l’erreur qui se cache sous une épithète en apparence innocente. C’est grâce à la chimère d’une prétendue adaptation de ce genre que l’on a sérieusement proposé au gouvernement français l’acclimatation du thé et même des quinquinas dans notre colonie algérienne. Il est vrai que l’ignorance a eu sa part dans ces espérances absolument irréalisables : on avait cru pouvoir tout résoudre par des questions de température, tandis que le problème climatologique comprend moins la température absolue ou moyenne que la distribution même de la chaleur suivant les saisons de l’année et surtout que la combinaison de cette chaleur avec l’état hygrométrique de l’air. En tenant compte de cette dernière donnée, on aurait compris que le thé, comme le camélia, comme les azalées de l’Inde, ne craint pas les froids modérés de l’hiver, mais veut absolument des êtes humides ou tout au moins un milieu saturé, pendant les chaleurs, d’une dose de vapeur atmosphérique qui le défende contre le hâle et contre les rayons du soleil : ces conditions se trouvent mieux réalisées dans les climats à pluies d’été et à ciel brumeux de la France occidentale que sous le ciel plus méridional, mais à sécheresse estivale du littoral de la Méditerranée et même des montagnes de l’Algérie, et si le thé ne se cultive pas en grand à Brest ou à Cherbourg, c’est que la chaleur estivale et peut-être d’autres conditions y manquent au développement normal de cet arbuste.

Entre ces deux termes du problème de la naturalisation des