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adolescens recevaient à cette date dans leur famille une éducation non-seulement chrétienne, mais catholique d’enseignement et de pratique. Déjà cependant commençaient a s’accuser entre eux les différences qui devaient les séparer si profondément un jour, l’un,

Déjà choisissant dans tout ce qu’il faut croire,


l’autre,

Plus forme à Saint-Pierre, y fondant son repos.


La foi n’en restait pas moins très vive et très entière chez Sainte-Beuve ; ses premières lettres à l’abbé Barbe en témoignent. Leur séparation eut lieu d’assez bonne heure. A quatorze ans, Sainte-Beuve avait terminé sa philosophie à l’institution Blériot. Il supplia sa mère de l’envoyer à Paris compléter ses études, et, bien que ce fût pour les faibles ressources de la pauvre veuve une charge assez lourde, elle y consentit. La première visite de Sainte-Beuve à Paris fut pour un frère de son père, marchand de vin place Dauphine. Le brave homme s’efforça de déterminer Mme Sainte-Beuve à confier son fils à un prêtre marié, ancien conventionnel qui donnait à Paris des leçons de grec et de latin. Il la conduisit même chez ce singulier professeur ; mais la manière dont celui-ci exhibait son propre fils, debout sur une table, comme un spécimen des résultats obtenus par sa méthode pédagogique, déplut à Mme Sainte-Beuve, qui préféra placer notre écolier à l’institution Landry, dont les élèves suivaient les cours du lycée Charlemagne. C’est à dater de son entrée dans la pension Landry que Sainte-Beuve noua avec l’abbé Barbe une correspondance qu’il n’a jamais laissée tomber entièrement jusqu’à la fin de sa vie. J’en extrais les lignes suivantes, que Sainte-Beuve écrivait à son ancien camarade au début de sa quinzième année : « La religion est aussi ce qui contribue beaucoup à me consoler. A la maison, quand j’avais quelques petits chagrins, je les déposais dans le sein de mes bons parens. Aujourd’hui au contraire je n’ai personne à qui je puisse les confier ; alors je prie intérieurement le bon Dieu, et par là je m’ouvre une ressource pour dissiper ma peine. » Et l’année suivante il lui écrivait encore : « Je suis toujours tel que tu m’as connu. Je me suis trop bien trouvé des principes que j’ai suivis jusqu’à ce jour pour m’en écarter jamais, et, si cette idée funeste venait à se présenter à moi, ton exemple seul et les bons conseils que tu m’as donnés suffiraient pour me ramener dans le droit chemin. »

Lorsque les vacances ramenaient Sainte-Beuve à Boulogne, il se montrait bien tel en effet que ses camarades de la pension Blériot l’avaient connu. On n’a pas oublié l’église où il venait régulièrement le dimanche à la messe avec sa mère, et des témoins oculaires se