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ECRIVAINS CONTEMPORAINS

CHARLES-AUGUSTE SAINTE-BEUVE
I.
LES ANNEES DE JEUNESSE

Après un silence sympathique de quelques années, Sainte-Beuve semble à la veille d’entrer dans cette seconde et dangereuse période que j’appellerai la période des révélations. Ses amis auraient assurément mauvaise grâce à s’en plaindre pour lui ; patere legem quam ipse fecisti. D’ailleurs ceux-là même qui lui tenaient de plus près ont les premiers rompu le silence et donné le signal. A la suite des petits livres publiés par ses deux derniers secrétaires, on a vu paraître les jeunes Années de Sainte-Beuve par M. François Morand, juge au tribunal civil de Boulogne-sur-Mer. Ce mince volume se compose d’une courte notice et d’un certain nombre de lettres de Sainte-Beuve, adressées les unes à un ami de collège, l’abbé Eustache Barbe, les autres à un compatriote qui paraît être, autant que la modestie de l’éditeur permet de le deviner, M. Morand lui-même. Le branle étant donné, les héritiers de la correspondance de Sainte-Beuve ont jugé que le moment était venu d’en livrer un avant-goût au public et de mettre en circulation quelques parcelles d’un trésor qu’ils dispensent avec mesure. Je crois qu’il ne faudrait pas se laisser aller à juger de cette correspondance par les Lettres à la Princesse, qui, à tout prendre, ont été une déception. Ce n’est pas en effet dans ses billets de grand homme, attentivement rédigés vers la fin de sa vie, qu’on trouvera le véritable Sainte-Beuve ; c’est