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personnages du sénat. Horace se rendait à l’école accompagné d’un esclave qui portait ses livres, et ce fut là de ses premières classes un aristocratique souvenir qu’il se garda bien d’oublier par la suite. Tout ce que son caractère eut d’honnête, de viril, Horace le tenait de son père, un de ces hommes qui prêchent d’exemple et vous enseignent la vertu par leurs actes et non simplement par leurs discours. Quelle noble et vigoureuse nature ressort de ces portraits que le poète nous trace de lui dans les satires ! À cette période de corruption universelle, à ce déclin de la république, les hommes de vieille austérité, de tempérance, devenaient rares, et celui-ci nous rappelle un Caton.

Pour les sciences, l’éloquence, Athènes était encore alors la grande école ; Horace vint y compléter ses études et suivit les cours des rhéteurs à la mode, en compagnie des plus brillans coryphées de la jeune noblesse romaine. Parmi les relations qu’il sut lier à cette époque, plusieurs devaient survivre même aux orages de la guerre civile. Dans la Rome de César et d’Auguste, le grec était la langue des beaux esprits et du beau monde à peu près comme au dernier siècle notre langue française en Europe, et le génie du lyrique latin s’exerça d’abord à scander des vers grecs. La Grèce d’ailleurs lui rappelait la terre natale, cette Basse-Italie, possession jadis hellénique, couverte de cités et de temples, de jardins et de bois sacrés dont les échos se souvenaient des chants d’Homère et de Théocrite ; le meurtre de César interrompit ces paisibles travaux ; le monde romain trembla derechef sur sa base, tout ce que la grande cité avait de jeunes patriotes dans Athènes se leva sur-le-champ pour la république contre la monarchie menaçante, et courut se ranger autour de Brutus et de Cassius. Horace avait vingt-deux ans. Placé d’emblée à la tête d’une légion sur la recommandation de ses amis, il accompagna Brutus en Asie-Mineure. « De rudes temps m’arrachèrent à cet aimable lieu. » Il fallut quitter les bords de l’Ilissus et les murmurans platanes pour voler aux champs de Philippes. Déplorable fut ce premier pas ; en voyant les braves mordre la poussière, la peur le prend, il jette son bouclier, s’échappe, revient à Rome. Il était de sa personne trop obscur, et trop mince était la part qu’il avait prise à la guerre pour que la vengeance d’Octave et d’Antoine, les duumvirs, s’occupât de lui. Il vécut dans la grande ville sans être inquiété. Son père était mort, son patrimoine était devenu le butin des soldats, l’avenir s’annonçait triste et sombre ; ses yeux n’entrevoyaient que la misère. Plus l’aisance d’autrefois l’avait accoutumé au bien-être, plus il devait souffrir des âpres nécessités du présent et s’ingénier à trouver moyen d’en sortir. « Lorsqu’après Philippes je me retrouvai chez moi sain