Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 7.djvu/103

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

présidait Aspasie. « Pendant ce temps, mon voisin Servius trouve moyen de nous narrer de vieilles fables, et si quelqu’un vante l’opulence inquiète d’Arellius, il nous raconte l’histoire du rat de ville et du rat des champs :


Autrefois le rat de ville
Invita le rat des champs, etc. »


Un tableau de genre merveilleusement troussé, et qui se termine par un apologue qu’on dirait mis à l’adresse de notre La Fontaine, telle est la satire d’Horace. Elle ignore les emportemens, les virulences, et nous morigène en riant ; jamais le moindre apostolat, une ironie plaisante, le persiflage bon enfant d’un homme qui sait la vie et se connaît lui-même à fond, ce qui souvent lui donne une assez triste idée de ses semblables et l’empêche de dauber sur leurs vices comme ferait un Caton, un Asinius Pollion ou tel autre ayant les qualités morales de l’emploi. La scène avec Davus, où l’esclave, usant des privautés que lui donnent les saturnales, apostrophe et gourmande son maître, n’est point d’un simple lyrique ; j’ai nommé plus haut Aristophane, ce dialogue touche presqu’à Molière : « Je suis ton esclave, sans doute, mais toi, malheureux, tu obéis à d’autres et t’agites comme une figure de bois que des ficelles étrangères font mouvoir. Quand tu restes planté là comme une borne devant un tableau de Pausias, en quoi vaux-tu mieux que moi, lorsque le jarret en avant, ébahi, j’admire devant une boutique des images de combat tracées à la brique ou au charbon ? Davus est alors un drôle et un paresseux ; mais toi, chacun te prise comme un rare connaisseur. Je suis un vaurien quand je me laisse allécher par la fumée d’un fin gâteau, et mon dos paiera ma convoitise, — comme si ton intelligence et ta vertu te défendaient contre de pareilles tentations et t’empêchaient de te livrer à ces bombances qui te vaudront la gastrite, la goutte et l’hydropisie ! On bat l’esclave qui la nuit dérobe une grappe de raisin, mais celui-là n’a-t-il rien de servile qui vend son patrimoine pour satisfaire sa gloutonnerie ! » Quel que soit le sujet qu’il traite, Horace y conserve sa belle humeur, sa Némésis n’a jamais entendu siffler un serpent et ne connaît ni les flagellations vengeresses, ni les nocturnes épouvantes. Si vous n’aimez les désappointemens, défiez-vous de ses velléités fantastiques comme dans la pièce ou la sorcière Canidie est en jeu. Un grand fracas au premier plan et point d’horizon à la scène ; sur le devant toutes les horreurs de la nécromancie thessalienne, et pour fond au tableau une figure de Priape incongru. Autre part, c’est une anecdote qui finit par un calembour ; ce que c’est pourtant que d’envisager les choses à distance de siècles ! Un certain Persius ayant maille à