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combler les lacunes de la collection qui lui était confiée ; dans un rapport destiné aux trustees, il exposait le plan d’achats réguliers et systématiques qui permettraient, comme il aimait à le dire, « de dépasser Paris. » L’argent vint peu à peu ; grâce au zèle de son adjoint, Thomas Watt, le plus polyglotte et le plus laborieux de tous les bibliothécaires, le conservateur put donc faire ranger sur les rayons des suites de livres étrangers, dans toutes les langues littéraires, que l’on ne trouverait réunies nulle part en Europe. En même temps, il prenait la part la plus active aux, discussions qui se poursuivaient, dans l’enceinte du musée et hors de ses murs, sur la meilleure marche à suivre pour dresser le catalogue ; on verra plus loin à quel parti il finit par s’arrêter.

Une autre tâche s’imposait à l’administration du musée. Les livres et les lecteurs augmentaient dans une proportion que n’avait pu prévoir l’architecte. Bientôt ni les magasins ne suffiraient à contenir les volumes nouveaux, ni la salle de lecture à recevoir ses habitués. Il fallait aviser. On avait d’abord songé à s’étendre vers le nord en achetant du terrain ; mais en 1854, Panizzi suggéra aux trustees une autre idée. Il proposait d’utiliser la cour intérieure, grand espace vide autour duquel se groupaient les galeries. Dans ce rectangle, il inscrivait un cercle, le tracé d’une salle ronde très spacieuse destinée tout à la fois aux livres et aux lecteurs. Une esquisse accompagnait le projet ; l’architecte eut le mérite de l’approuver, quoiqu’elle ne fût pas d’un homme du métier, et le plan fut adopté. Les travaux durèrent trois ans. Quand ils furent achevés en 1857, Ellis avait pris sa retraite, Panizzi lui avait succédé comme directeur du musée. En vain avait-on essayé de se faire une arme contre lui de son origine étrangère, il était soutenu par l’opinion. Le choix était excellent. Grâce à sa supériorité reconnue, à sa situation dans la haute société anglaise, à son caractère même d’étranger, il avait sur son personnel une autorité qu’il fit tourner au profit de la chose publique. Il n’avait pas de camarades de collège ou d’université, pas de parent à placer, personne à ménager. Les trustees comptaient avec lui, et ses subordonnés lui obéissaient. Il prit sa retraite en 1866, et fut remplacé par M. Winter Jones, son successeur aux imprimés. On vit vieux au Musée-Britannique. Morton est mort à quatre-vingt-trois ans, Planta à quatre-vingt-quatre, Ellis à quatre-vingt-douze, Panizzi a aujourd’hui près de quatre-vingts ans ; nous lui souhaitons d’atteindre les années de son prédécesseur.

La nouvelle salle de lecture a coûté en nombres ronds 150,000 livres (3,750,000 francs). C’est une vaste rotonde, avec un dôme qui a 32 mètres de hauteur et 43 de diamètre. Le dôme du Panthéon