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la sculpture antique. Dans les traits de ce noble visage, il y a quelque chose qui fait songer à la beauté de la femme. Ce n’est point que la grâce en soit mignarde et précieuse ; mais toute cette physionomie respire une sorte de tendresse émue et d’exaltation passionnée qui rappellent les airs de tête d’une chanteuse inspirée. On a donc pu supposer avec beaucoup de vraisemblance que la statue représentait un Apollon Musagète, revêtu de la longue robe flottante, au moment où, faisant vibrer la lyre sous ses doigts, le dieu des vers et du chant tient suspendues à ses lèvres ses compagnes divines et s’enivre lui-même de musique et de poésie. Dans cette œuvre singulière et puissante, l’expression semble poussée presque au-delà de ce que comporte la sculpture. Ce qui ajoute encore à l’impression, ce sont les cheveux, rassemblés au-dessus du front, où ils forment une très forte saillie ; le crobyle ou nœud central de la chevelure est bien plus haut et se projette plus en avant que dans l’Apollon du Belvédère. A tout prendre, il y a ici de la manière, mais une manière hardie et grandiose ; l’effet est cherché, mais il est obtenu. Ce n’est plus la simplicité ingénue du siècle de Phidias ; un pas de plus, et l’artiste tombait dans l’exagération, dans l’affectation théâtrale, mais cette limite, il ne l’a point franchie, et ce type, quel que soit l’auteur qui l’a créé, reste un des plus curieux monumens de l’école qui, vers le temps d’Alexandre, s’engagea, sur les traces de Lysippe, dans des voies toutes nouvelles. Tout moderne et forcément inexact que soit en pareille matière le mot de romantisme, on est tenté de le prononcer en face de ce marbre ; il a tout au moins le mérite, pour qui ne connaît point l’Apollon Pourtalès, de faire soupçonner le caractère et le genre de beauté qu’a cherchés l’auteur de cette œuvre vraiment surprenante.

Dans ce canton du musée, on rencontre encore d’autres monumens intéressans à divers titres, c’est l’Apollon citharède, trouvé en 1861 à Cyrène par MM. Smith et Porcher, c’est une bonne répétition antique du fameux Discobole de Myron, c’est la Vénus Towneley, figure jadis trop vantée, qui provient des bains de Claude à Ostie ; la tête a de la grâce, mais le col est trop long, et la draperie traitée d’une manière toute conventionnelle. Un autre marbre dont la valeur a été aussi surfaite, c’est le buste que Towneley avait surnommé Clytie parce qu’il sort du calice d’une fleur. Il y tenait plus qu’à aucune autre pièce de sa collection. En 1780, au milieu des émeutes qui désolèrent alors la capitale, la galerie Towneley faillit être pillée et détruite. Un jour, sous le coup de menaces qui semblaient devoir être mises à exécution sur l’heure, le propriétaire de tant de richesses fut contraint de s’enfuir