Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 12.djvu/869

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que « Dieu est un parfait gentleman. » Sur ces matières, comme sur la question de savoir quelle est la meilleure église, Jean Coggan est tout particulièrement remarquable, tant par la solidité des principes que par l’imprévu des raisonnemens. La profession de foi qu’il fait à Joseph Poorgrass, que l’on soupçonne un peu d’incliner vers la chapelle dissidente, peut en donner une idée.

« — Pour ma part, dit Coggan, je tiens fermement à l’église d’Angleterre. Je ne parlerai pas beaucoup de moi-même, je n’aime pas à le faire ; mais je n’ai jamais varié en une seule doctrine, je me suis attaché comme taffetas à la vieille foi où je suis né. Oui, il y a ceci à dire en faveur de l’église d’Angleterre, c’est qu’un homme peut lui appartenir et continuer à fréquenter sa bonne vieille taverne sans jamais se mettre l’esprit à la torture à propos de doctrines. Pour être dissident, il vous faut aller à la chapelle par tous les vents et par tous les temps. Ce n’est pas que les membres de la chapelle ne soient d’assez habiles gaillards à leur manière. Ils sont capables de trouver dans leur propre tête de belles prières à propos de leurs familles et des naufrages qui sont dans les journaux.

« — Oui, c’est ce qu’ils savent faire, dit Mark Clark avec sentiment ; mais nous, gens de l’église établie, voyez-vous, nous sommes forcés de les avoir tout imprimées d’avance, ou sans cela, le diable m’emporte, nous ne saurions pas plus parler à un grand personnage comme la Providence que des enfans qui ne sont pas nés.

« — Oui, reprit Coggan, nous savons parfaitement que, si quelqu’un va au ciel, ce seront eux. Ils ont travaillé dur pour cela, et ils le méritent bien. Je ne suis pas assez fou pour prétendre que nous, qui nous attachons à l’église, nous ayons la même chance qu’eux, parce que nous savons que nous ne l’avons pas ; mais je ne peux pas souffrir les gens qui vont changer leurs bonnes vieilles doctrines dans l’idée d’aller au ciel. Autant vaudrait révéler ses complices pour les quelques livres qu’on y gagne. Eh bien ! voisin, lorsque toutes mes pommes de terre gelèrent jusqu’à la dernière, notre ministre Thirdley fut l’homme qui me donna un sac de semences, quoiqu’il en eût à peine pour son propre usage, et pas d’argent pour en acheter. Sans lui, je n’aurais pas eu une pomme de terre à mettre dans mon jardin. Croyez-vous après cela que je voudrais tourner casaque ? Non, je m’attacherai à mon parti, et si nous sommes dans l’erreur, soit ; je tomberai avec ceux qui sont tombés. »

Voilà, on en conviendra, une argumentation spécieuse. Il ne faut pas avoir fréquenté beaucoup certaines classes de la société pour reconnaître combien sous une forme moins plaisante de pareils procédés de raisonnement sont fréquens. Ce sont là de ces traits généraux qui, rencontrés au nord et au midi, font paraître en définitive