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UN
ROMANCIER GALICIEN

M. SACHER-MASOCH

I. Die Ideale unserer Zeit, 4 vol., Leipzig 1875. — II. Le Legs de Caïn, Paris 1874.

Le feu sacré s’est éteint chez toi, Allemagne, et le plus triste, c’est que tu l’as éteint toi-même. Longtemps il avait brillé comme une étoile qui montre le chemin ; mais tu n’as plus d’étoile, tu n’as plus d’idéal. Tu as versé du sang, tu as amassé de l’or, tu peux t’enorgueillir de tes conquêtes et de tes milliards. Que t’importe la haine des peuples ? que t’importent tes vertus, tes grandeurs passées ? — La vérité ? C’est le bouclier du malheur, mais ta prospérité se couronne de mensonges. — Le beau ? Tu as préféré la gloire sanglante de Rome à la gloire immortelle d’Athènes, tu n’auras désormais ni Homère ni Phidias. — La liberté ? Qu’en ferais-tu ? Comme les cohortes et la plèbe antiques, tu ne reconnais plus d’autres dieux que César ! » C’est par cette apostrophe que se termine une fougueuse satire contre les tendances allemandes depuis la guerre, publiée sous forme de roman par un écrivain autrichien dont le nom est déjà familier aux lecteurs de la Revue. Les Contes galiciens ont assuré à M. Sacher-Masoch une place brillante auprès de l’écrivain russe Tourguénef, dont il est l’émule. De même que l’auteur des Récits d’un chasseur, il a mis en lumière avec un rare talent des mœurs primitives ignorées jusque-là dans le reste de l’Europe, des caractères d’une originalité saisissante. A peine sort-il du cercle