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collège depuis Tibère jusqu’à Héliogabale. Le culte des Arvales est d’une haute antiquité : une tradition le faisait remonter jusqu’aux douze fils d’Acca Larentia, la nourrice de Romulus. Le collège se composait de douze prêtres qui se donnaient le nom de frères, probablement par allusion à cette ancienne fable. Ils étaient voués au culte d’une déesse que nous ne trouvons mentionnée nulle part ailleurs, Dea Dia. Tous les ans, au printemps, ils célébraient en l’honneur de cette divinité une grande fête qui était l’occasion d’une réunion solennelle. Cependant ce ne sont pas les anciens actes des Arvales qui nous ont été conservés : tous les documens que nous avons sont postérieurs à la réorganisation du collège sous Auguste.

Quand on rapproche ces inscriptions de celles qui nous viennent d’Iguvium, on ne peut s’empêcher de remarquer, malgré la triple différence de la langue, du temps et de l’importance relative des deux villes, les plus singulières coïncidences. C’est le même culte de divinités champêtres, ce sont les mêmes cérémonies et les mêmes prières. Le célèbre chant des Arvales, si heureusement conservé dans le compte-rendu d’une séance du temps d’Héliogabale, présente des mots et des tours qui rappellent ceux de la langue ombrienne. Il était probablement gravé sur une table analogue aux Tables eugubines. Il est vrai que l’étonnante fortune qui avait fait de la ville de Romulus la capitale de l’univers s’est étendue au collège des frères arvales. Les magistri successifs du collège s’appellent Tiberius Cæsar, Caius Cæsar, Néron, Galba, Othon, Vitellius, Domitien, Trajan, Antonin, Marc-Aurèle. Les plus grands événemens de l’histoire du monde, l’anniversaire de la bataille d’Actium, les défaites des Germains, la découverte des complots tramés contre la vie des empereurs, sont mentionnés dans les procès-verbaux et donnent lieu à des actions de grâces. Les frères arvales sont choisis parmi les plus illustres des familles patriciennes de Rome, les Domitius, les Paulus, les Fabius, les Corvinus, les Silanus, les Memmius. Dans les repas que les inscriptions n’ont garde d’oublier, ce sont des fils de sénateurs qui servent à table, et tout le luxe de la Rome impériale est déployé. Des sommes considérables en or et en argent sont offertes à la caisse de la communauté : aux anciennes réjouissances s’en viennent joindre de toutes nouvelles, telles que les courses de quadrige, ou le spectacle des exercices de voltige à cheval. En présence de cette pompe, on se rappelle involontairement les vers de la première églogue :

Sic canibus catulos similes...


Mais à travers cette énorme distance, il n’en est que plus intéressant