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lourd, les voleurs percent la cuve et ramènent avec un crochet les objets qui s’y trouvent, — petites idoles de travail égyptien, œil symbolique, bijoux, mouches d’or, feuilles d’or en forme de lunettes, etc. Le plus ancien d’entre les sarcophages à gaîne et à tête sculptée exhumés de la nécropole de Saïda et rapportés par la mission est une vraie momie de marbre, aux formes trapues et aplaties, « où l’on croit par momens voir encore sourire une bonne figure juive de nos jours. » Aurait-on là enfin un monument cananéen d’une haute antiquité ? Bien qu’essentiellement phéniciens, ces sarcophages anthropoïdes sont imités de l’Égypte ; il convient donc, pour en déterminer la date, de les rapprocher de leurs types. Interrogé par M. Renan, M. Mariette a répondu que ces sarcophages sidoniens, y compris celui d’Eschmounazar, apporté d’Égypte tout taillé, ne remontent pas plus haut que la XXVIe dynastie, et partant sont contemporains de la dynastie saïte. Si le plus archaïque de ces sarcophages est peut-être de l’an 800 ou 900 avant notre ère, les autres ne sont guère antérieurs au ne siècle ; l’art grec avait définitivement triomphé en Syrie, et l’on s’en aperçoit à la sculpture des têtes déjà presqu’en ronde bosse. Les sarcophages phéniciens sont des copies en marbre des cercueils en bois des momies égyptiennes. Il faut se les représenter également couverts de peintures. La forme était empruntée à l’Égypte, la matière aux îles de la Grèce, car le marbre ne se rencontre pas en Syrie. Point d’inscriptions ; qui les aurait été lire au fond des puits ? Hors de Phénicie, les Phéniciens écrivaient volontiers sur les cippes funéraires qu’ils trouvaient en usage : Athènes et le Pirée ont donné jusqu’ici plus d’épitaphes phéniciennes que tout le pays de Canaan. Ainsi, même en sa nécropole, l’antique Sidon a péri ou se dérobe avec mystère. Aux hommes de notre âge, elle ne livre que quelques débris des époques assyrienne, persane et gréco-romaine. Déjà, en ces siècles qui nous paraissent si lointains, elle avait vécu et n’était plus qu’un vain nom.

Dans la plaine de Tyr, le déblaiement du « tombeau d’Hiram, » Kabr-Hiram, a été complet : il est demeuré aussi muet que les nécropoles tyriennes de Maschouk et d’El-Anwatiw. Ce n’est certes pas un monument phénicien que la mosaïque dite de Kabr-Hiram, œuvre de la seconde moitié du IIe siècle avant notre ère, découverte sur l’emplacement d’une petite église byzantine consacrée à saint Christophe ; le dessin en est excellent, les couleurs délicates et riches, encore que l’exécution soit défectueuse et grossière. Si nous mentionnons ce beau pavé, c’est que le dallage en mosaïque, très ancien chez les Hébreux, paraît avoir été un art d’origine tyrienne. Au Ouadi-Aschour, près de l’antique Cana, on voit la plus importante sculpture sur le roc qu’il y ait dans tout le pays de Tyr : c’est une cella située au-dessous d’une grande caverne taillée ; les