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presque engagé sous une maison particulière à laquelle on ne pouvait toucher. En plantant quelques arbres devant l’entrée de sa maison, le paysan qui l’habite, un musulman, découvrit une sorte de porte : au seuil se dressait la stèle entre deux lions, la gueule ouverte. Lions et stèle ont été tirés des carrières de calcaire qui avoisinent l’antique Byblos. De là les grandes difficultés de lecture que présente ce texte assez fruste. M. le comte de Vogué, le premier qui ait lu les parties essentielles de l’inscription, en a souvent triomphé de la manière la plus heureuse. Depuis, ce texte a servi aux leçons d’épigraphie sémitique du cours de M. Renan au Collège de France ; voici la traduction du savant professeur :


« C’est moi, Yehawmelek, roi de Gebal, fils de Ieharbaal, petit-fils d’Adommelek, roi de Gebal, que la dame Baalath Gebal, la reine, a fait (roi) sur Gebal.

« J’invoque ma dame Baalath Gebal (car elle m’a toujours exaucé), et j’offre à ma dame Baalath Gebal cet autel de bronze qui est dans (l’atrium), et la porte d’or qui est en face de (l’entrée), et l’urœus d’or qui est au milieu du (pyramidion) placé au-dessus de ladite porte d’or. Ce portique, avec ses colonnes et les (chapiteaux) qui sont sur elles, et avec sa toiture, c’est aussi moi, Yehawmelek, roi de Gebal, qui l’ai fait pour ma dame Baalath Gebal, conformément à l’invocation que je lui ai faite, car elle a écouté ma voix, et elle m’a fait du bien.

« Que Baalath Gebal bénisse Yehawmelek, roi de Gebal ; qu’elle le fasse vivre, qu’elle prolonge ses jours et ses années sur Gebal, car c’est un roi juste, et que la dame Baalath Gebal lui donne faveur aux yeux des dieux et devant le peuple de cette terre, et la faveur du peuple de cette terre (sera toujours avec lui).

« Tout homme de race royale ou simple particulier qui se permettra de faire un ouvrage quelconque sur cet autel d’airain, et sur cette porte d’or, et sur ce portique où moi, Yehawmelek… et de faire cet ouvrage soit… soit… et sur ce lieu-ci… que la dame Baalath Gebal maudisse cet homme-là et sa postérité. »


Ce n’est pas le lieu d’insister sur les mots nouveaux, les formes grammaticales et les particularités épigraphiques que présente ce texte. De toutes les inscriptions phéniciennes, aucune ne se rapproche plus de l’hébreu. Peut-être faut-il y voir la confirmation d’une hypothèse de Movers, l’illustre auteur des Phéniciens, hypothèse adoptée par le savant géographe Karl Ritter, d’après laquelle les Giblites auraient formé, au milieu des autres populations phéniciennes, un petit monde à part, plus analogue que le reste des Cananéens avec le peuple juif. La paléographie seule assigne à cette stèle une date comprise entre le VIe et le IVe siècle. Les trois rois de Byblos dont ce monument nous fait connaître les noms