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qui donne la liste des peuples participant tous les ans au sacrifice d’une truie et d’un bouc : parmi ces noms, il en est qui sont cités dans Pline au nombre des populations de l’Ombrie[1]. Chacune de ces tribus paraît avoir eu le droit de venir tous les ans chercher un morceau des deux victimes ; en retour, elle payait une contribution de blé à la corporation attidienne. Un usage analogue existait à Rome. Denys d’Halicarnasse raconte que Tarquin le Superbe, après avoir constitué l’union des Latins, des Herniques et des Volsques, et élevé sur !c mont Albain le sanctuaire où quarante-sept villes tenaient leurs réunions annuelles, décida qu’aux fériés latines chaque peuple aurait sa part du taureau immolé en l’honneur de Jupiter Latiaris; en retour, ces peuples alliés envoyaient des agneaux, des fromages, du lait, des gâteaux. Cet usage, qui existait encore au temps d’Auguste, s’appelait la risceratio.

Une autre inscription nous laisse entrevoir l’organisation intérieure de la confrérie. Il ne semble pas que les frères attidiens résidassent habituellement auprès du temple : ils se réunissaient à des jours fixes pour vaquer à leurs cérémonies, pour dîner ensemble et pour examiner la gestion de l’adfertor. Encore ne paraissent-ils pas avoir été très exacts à ces rendez-vous. C’est du moins ce qu’on peut inférer de l’insistance avec laquelle l’inscription dit deux fois : « Si la majorité des frères attidiens qui seront venus est d’avis... » Les affaires de la confrérie paraissent être concentrées dans les mains du personnage déjà plusieurs fois mentionné sous le nom d’adfertor. C’est lui qui est chargé de diriger les sacrifices et les lustrations, de fournir les objets nécessaires aux cérémonies ; je crois que le nom porté par ce personnage fait allusion à ses fonctions. Dans la langue des Tables eugubines, fertu a souvent le sens « qu’il fournisse; » de même le mot d’adfertor désigne, à ce que je crois, le fournisseur ou le procurateur des sacrifices. Cela ne veut pas dire qu’il ne soit pas revêtu d’un caractère public et sacré. Je ferai à ce propos une autre observation. Parce que les Tables eugubines contiennent de nombreux détails liturgiques, les interprètes de ces inscriptions ont ordinairement pensé que c’étaient des instructions pour le sacrificateur. On a cru y lire par exemple des indications sur la manière de découper la victime, de présenter les entrailles, d’offrir des libations. Telle n’était point, selon moi, l’intention principale de ceux qui ont fait graver ces tables : ils ne songeaient point à transmettre des instructions qui se donnaient sans doute mieux de vive

  1. Une de ces tribus, les Curiates, est donnée par Pline (III, 19) comme éteinte : Interiere Curiates. Ceci nous fournit une limite extrême au-dessous de laquelle on ne saurait placer la date des tables; mais il n’est pas douteux qu’elles ne soient considérablement plus anciennes.