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des interprètes : le service qu’elle rend, c’est de donner une direction aux conjectures et de resserrer le cercle des possibilités. A qui n’a pas un instrument de contrôle, tout paraît également soutenable. Ce jugement, qui peut sembler sévère, trouverait sa confirmation à toutes les pages de l’ouvrage de Huschke. Cependant son commentaire garde de l’intérêt à cause des nombreux renseignemens archéologiques qu’il renferme. On peut sourire des étymologies de Huschke, de son bizarre et nuageux symbolisme, ainsi que des connaissances qu’il déploie en cuisine; mais on égalera difficilement son érudition pour tout ce qui concerne le droit et le rituel.

Une fois la voie frayée, la grammaire comparée n’a pas cessé depuis vingt ans de s’exercer sur un champ qui semble fait exprès pour elle, et qui recèle sans doute encore tant de découvertes. Il suffira ici de nommer Ebel, Corssen, Ascoli, Zeyss, Panzerbieter, Savelsberg[1]. Une place à part doit être donnée à M. Sophus Bugge, qui, à plusieurs reprises, s’est occupé du dialecte ombrien, et l’a fait chaque fois avec bonheur. Quelques-unes de ses découvertes concernent des parties essentielles de la phonétique ou de la grammaire. Il faut mentionner également la belle publication d’Ariodante Fabretti : Corpus inscriptionum antiquioris œvi et glossarium ilalicum (Turin 1867), qui contient le texte et le fac-simile des inscriptions ombriennes, et qui, dans le glossaire, renvoie avec exactitude, pour chaque mot, pour chaque forme, aux savans qui en ont traité. Tout récemment, M. F. Bücheler a donné une traduction et un commentaire des tables V et VI, où il présente de judicieux rapprochemens[2].


III.

Il est temps de donner au lecteur quelques explications sur le contenu, sur la langue et sur l’âge probable des Tables eugubines. Ce sont les actes d’une corporation de prêtres qui avait son siège à Iguvium, et dont l’autorité paraît s’être étendue sur un assez grand rayon à l’entour. Ils s’appellent les frères attidiens ( frater Àtijediur), et le nom de confrérie est donné au collège (fratrecate). Ils sont au nombre de douze : différens noms de magistrature, tels que le questeur (krestur ) et le fratreks, sont mentionnés. Le personnage

  1. En France, M. Louis de Baekor a étudié le rituel ombrien en le rapprochant du rituel mosaïque. Les Tables eugubines, Paris 1867.
  2. Grâce à l’obligeant intermédiaire de M. G. Conestabile, nous avons reçu les photographies des Tables eugubines de M. le marquis Ranghiasci-Brancaleone, qui continue à Gubbio la libérale tradition d’une famille étudiant avec amour le passé de son pays. Ces photographies, reproduites par l’héliogravure, accompagneront une prochaine publication.