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décompression dont nous parlions tout à l’heure. Il n’y a pas de paralysie, et surtout les accidens ont déjà lieu sous la cloche de compression, tandis que chez les animaux respirant de l’air comprimé les accidens ne commencent qu’au moment de la décompression. Ce qui est remarquable, c’est que l’animal, une fois empoisonné par l’oxygène, ne peut plus revivre. C’est en vain qu’on lui rend l’atmosphère normale : si dans la cloche il a déjà été pris de convulsions, tous les moyens qu’on emploie pour le rappeler à la vie sont inutiles. L’oxygène est un poison qui a détruit ses globules et qui lui prépare une mort prompte.

M. Bert a eu l’idée très ingénieuse d’appliquer aux tissus d’un animal ce qui était exact pour l’animal lui-même, et le fait est resté vrai pour les tissus. Non-seulement les tissus deviennent incapables de fonctionner, mais ils perdent toute activité chimique, en sorte que les phénomènes de putréfaction sont ralentis et même suspendus. C’est ainsi que M. Bert a conservé pendant une année de la viande, des œufs, du lait, des fruits, qu’il avait soumis à la pression de plusieurs atmosphères d’oxygène, sans que ces substances aient subi même un commencement de moisissure ou de putréfaction. Il est vrai de dire que l’œuf avait perdu toute propriété vitale. C’était un œuf mort, mais arrêté dans sa mort même, et gardant tous les caractères extérieurs et les apparences de la vie. Ni à l’œil nu, ni au microscope, on n’aperçoit de modification des cellules d’un organisme ainsi éprouvé ; mais sans doute il y a eu une sorte de destruction mystérieuse de leurs propriétés actives, propriétés dont la science ignore encore la cause anatomique. Le vin lui-même, soumis à plusieurs atmosphères d’oxygène, subit des modifications importantes. Il est vieilli et dépouillé, au dire des connaisseurs, mais il a en même temps perdu un peu de son bouquet, ce qui exclut, au moins pour le présent, toute tentative d’application industrielle prématurée.

Cependant toutes les substances organiques ne subissent pas cette action paralysante de l’oxygène à haute pression. Ainsi par exemple le ferment du suc gastrique, la pepsine, le ferment de la salive, la ptyaline, d’autre part certains virus tels que la vaccine, conservent leurs propriétés tout aussi actives. M. Bert a remarqué que le mode d’action de l’oxygène justifiait la division déjà ancienne qu’on a établie entre les fermens : fermens figurés, fermens amorphes ; 8 atmosphères d’oxygène tuent les fermens figurés, dont la levure de bière peut être considérée comme le type, mais n’altèrent pas la constitution d’un ferment amorphe, tel que la pepsine. C’est qu’en effet les fermens amorphes ne sont pas de vrais fermens ; ils agissent chimiquement, par action catalytique, en provoquant une série successive de dédoublemens et de reconstitutions, tandis que les fermens figurés sont des organismes, des êtres organisés qui naissent, vivent, se reproduisent et meurent, et qui