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toujours, l’effet premier de cette suppression du liquide vivifiant est une excitation de ces centres qui se traduit par des convulsions générales, suivies bientôt d’une paralysie complète. En même temps le sang, trouvant une résistance considérable, ne peut plus circuler, et le cœur s’arrête, vide et flasque, contenant à peine quelques gouttes d’un sang rouge et écumeux mélangé à des bulles de gaz : seulement, si l’animal est soumis à plusieurs atmosphères d’oxygène, la mort est moins rapide et moins sûre que s’il s’agissait d’une même pression d’air ; elle reconnaît une tout autre cause sur laquelle nous reviendrons tout à l’heure, et on peut affirmer qu’il n’y a jamais de bulles de gaz dans le sang. En effet l’oxygène de l’air, même après la décompression, peut rester dissous dans le sang, tandis que l’azote, qui a de très faibles affinités chimiques, se dégage immédiatement.

L’application pratique est évidente. Quand un pêcheur ou un ouvrier est sous la cloche à plongeur, on a soin de renouveler par une pompe foulante sa provision d’oxygène, on fait même en sorte que l’air poussé par la pompe refoule le liquide, pour que le plongeur puisse être à sec au milieu de l’eau. Mais on ne peut pas éviter la pression de toute la colonne d’eau qui l’entoure, et quand le plongeur est à une profondeur de 10, de 20, de 30 mètres, il est soumis à une pression de 1, 2, 3 atmosphères en plus de la pression normale : si alors on le ramène brusquement à la surface, il est sujet à des vertiges, des fourmillemens, des paralysies partielles qu’on doit expliquer par la présence de bulles de gaz dans les vaisseaux du système nerveux. Souvent, ces bulles de gaz dans les capillaires offrant une résistance considérable, le sang poussé par le cœur fait effort pour la vaincre, et rompt le vaisseau. De là ces démangeaisons, ces hémorrhagies de la peau que les ouvriers connaissent bien et qu’ils appellent la puce. Ces accidens peuvent être conjurés, si on a soin de faire la décompression lente, au lieu de la faire brusquement, comme on en a trop souvent l’habitude.

Mais de tous les faits nouveaux établis par M. Bert le plus nouveau peut-être, — et à coup sûr le plus surprenant, — c’est l’action toxique de l’oxygène. On savait que l’oxygène active la respiration, que dans une atmosphère d’oxygène pur un animal devient très excité, qu’il s’agite, qu’il bondit, enfin que toutes les fonctions nutritives sont exaltées ; mais, si, au lieu d’une atmosphère d’oxygène, on le soumet à 8 ou 9 atmosphères de ce gaz, la mort survient en quelques instans. On ne peut soutenir que la mort est due à l’élévation de la pression, car, si au lieu d’oxygène pur on met de l’air, c’est-à-dire un mélange d’oxygène et d’azote, l’animal supporte très bien une pression de 6, 7 et même 12 atmosphères. Il semble que dans ce cas l’oxygène se porte sur le globule sanguin et le détruise de manière à le rendre incapable d’accomplir sa fonction. La mort d’un animal dans de l’oxygène comprimé à 8 ou 9 atmosphères est toute différente de la mort par