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REVUE SCIENTIFIQUE.


Le prix solennel de 20,000 fr. que l’Institut décerne tous les deux ans en séance publique devait cette année être accordé par l’Académie des Sciences. Ce sont les travaux de M. P. Bert qui ont été couronnés, et ce choix a été approuvé sans restriction. L’étude que M. Bert a faite de la respiration offre le plus grand intérêt, non-seulement au point de vue des résultats eux-mêmes, aussi inattendus qu’importans, mais encore au point de vue de la méthode qui permet d’entrevoir la prompte solution de quelques problèmes physiologiques des plus délicats.

Chacun sait que Lavoisier, créateur de la chimie, est en même temps celui qui a donné à la fonction de respiration sa signification véritable : consommation d’oxygène et production d’acide carbonique. Cette combustion se fait-elle dans les poumons, ou ailleurs ? Voilà ce que Lavoisier ne découvrit qu’imparfaitement. Plus tard William Edwards, dans son beau livre, Influence des agens physiques sur la vie, démontra qu’en réalité cette combustion avait lieu non dans le poumon, mais dans tous les tissus. Magnus, Liebig et plus récemment M. Cl. Bernard ont surabondamment démontré le même fait, de sorte qu’on doit admettre aujourd’hui que la chaleur animale est produite par les combinaisons chimiques qui s’opèrent dans l’intérieur des tissus, que ces combinaisons sont sans cesse renouvelées par le courant sanguin amené par les capillaires, enfin que c’est une opération chimique complexe qui d’une part détruit l’oxygène amené par les globules rouges du sang artériel, d’autre part produit de l’acide carbonique, lequel est entraîné avec le sang veineux. M. Bert a tenté de rendre le fait plus démonstratif encore. Il a fait respirer les tissus eux-mêmes, et, mettant à profit les expériences déjà anciennes de Spallanzani, il a institué une série d’expériences aussi curieuses qu’instructives, prélude de celles qui lui ont valu le prix de l’Académie.

Si, dans une atmosphère d’oxygène, au lieu de plonger un animal vivant on en met un fragment quelconque vivant encore, on voit que ce tissu se comporte comme si l’animal subsistait tout entier. Il y a en effet absorption d’oxygène et production d’acide carbonique. Le sang, le tissu osseux, le tissu hépatique, mais surtout le tissu musculaire, absorbent rapidement l’oxygène contenu dans la cloche, et le volume d’acide carbonique qu’ils exhalent est à peu près égal au volume d’oxygène qu’ils consomment. Il ne faut pas trouver le fait surprenant, car c’est absolument ce qui se passe dans l’économie quand l’animal vit et respire. Seulement, au lieu d’emprunter de l’oxygène à la cloche, le muscle, parcouru dans tous les sens par des capillaires, empruntera cet oxygène qui lui est nécessaire au sang artériel qui l’irrigue. Le sang est donc pour tous les tissus un milieu intérieur. C’est là qu’ils peuvent