Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 12.djvu/702

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

désormais acquis, que l’issue n’était plus douteuse. La lutte ne s’est pas moins ravivée au dernier moment, les questions sérieuses se sont reproduites, et une fois encore le scrutin de liste et le scrutin d’arrondissement se sont retrouvés en présence dans un duel qui n’a pas laissé d’être intéressant. Il ne s’agissait plus, il est vrai, de ramener au combat le système absolu du scrutin de liste, qui est resté l’autre jour sur le champ de bataille. C’était le tour des transactions et de la conciliation. On passait un peu condamnation sur le principe ou du moins on consentait à le voiler, à l’atténuer, et on se bornait à proposer des moyens intermédiaires. Bref, la diplomatie entrait en scène, et on offrait de traiter ; mais la cause était perdue d’avance, elle avait été trop décidément jugée pour pouvoir se relever de la défaite qu’elle avait essuyée. La majorité qui avait prononcé ne pouvait que s’accroître, bien loin de se débander dans le feu d’un nouveau combat.

C’est justement ce qui est arrivé. Vainement M. Jozon et quelques membres de la gauche ont proposé de borner le scrutin de liste à cinq noms et de fractionner les départemens qui auraient plus de cinq députés à nommer. La proposition a échoué d’une façon assez éclatante ; la majorité qui l’a repoussée n’a plus été seulement de 30 voix, comme à la seconde lecture, elle a cette fois dépassé 80 voix. Vainement un des hommes les plus distingués et les plus modestes de l’assemblée, M. Francisque Rive, est intervenu avec un amendement bien plus modéré encore, qui, en respectant le système de circonscription adopté, ne maintenait le scrutin de liste que dans les arrondissemens ayant une population de plus de 100,000 habitans. M. Rive n’a pas été plus heureux, il venait trop tard ; son amendement n’a pas résisté à la verve sensée et impitoyable de M. Dufaure, qui l’a pulvérisé d’un mot, en montrant ce qu’il y avait d’étrange dans un système qui, sous prétexte de remédier aux inconvéniens des deux modes de scrutin, aurait pour résultat Il d’affliger 238 arrondissemens des inconvéniens du scrutin uninominal et 131 arrondissemens des inconvéniens du scrutin de liste. » Après cela, l’amendement de M. Rive est resté enseveli sous les 80 voix de majorité qui avaient enterré l’amendement de M. Jozon. La question était évidemment tranchée dans l’esprit de l’assemblée.

Le scrutin d’arrondissement a encore une fois triomphé de tout, et il devait bien avoir cause gagnée d’avance, puisqu’il n’a pas même été compromis par M. le marquis de Castellane, qui lui a infligé la dangereuse protection de son éloquence. M. de Castellane est un enfant terrible du parti conservateur, il a l’aplomb d’un jeune grenadier de la réaction. Il ne perdrait peut-être rien à être un peu plus modeste, à montrer un peu moins d’imperturbable assurance et à se persuader qu’il ne suffit pas de parler à quelques passions de parti ou de dérouler un tissu de banalités recueillies un peu partout pour faire sérieusement