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sauf certains changemens et développemens dont il était aisé de faire abstraction. « Enfin, raconte-t-il, il plut à la Providence de m’ouvrir les yeux, car, m’étant avisé de relire le texte avec beaucoup d’attention, je découvris la véritable valeur des lettres, que je méconnaissais auparavant, et je vis évidemment que ce que cette table contient n’est qu’un abrégé des grandes litanies. » On devine le secours qui pouvait dès lors être tiré de cette coïncidence : en s’aidant de la transcription en lettres latines, on arrivait beaucoup plus facilement à une lecture correcte de la table en écriture étrusque. Bourguet réussit à établir la vraie valeur de la plupart des caractères. Quelques-unes de ses identifications auraient même mérité plus d’attention que les contemporains ne parurent leur accor- der[1].

Parmi les savans italiens, les uns, comme Olivieri et Gori, admirent ou du moins parurent admettre ces résultats. Ainsi Olivieri traduisit les lettres de Bourguet dans les mémoires de l’académie de Cortone. Gori les reproduisit dans son Museum etruscum en ajoutant seulement la découverte qu’il avait faite de son côté, que les litanies étaient en vers hexamètres. D’autres savans proposèrent des interprétations différentes. Maffei, guidé par son tact naturel, avait émis sur le contenu probable des inscriptions une vue qui n’avait rien que de raisonnable. « On peut être assuré, dit-il, que ces tables ne contiennent que des actes publics, tels que traités entre nations, ou des actes privés, comme ventes, donations, testamens. » L’abbé Passeri, qui avait écrit à l’âge de quatorze ans une dissertation sur les Tables eugubines, et qui revint encore par deux fois sur le même sujet dans le cours de sa longue vie, publia en 1739 une série de lettres qu’il intitula Lettere Boncagliesi, du nom de sa maison de campagne de Roncaglia. Les lettres étaient adressées à Olivieri. Ce dernier avait eu le mérite de faire une découverte qui fut un trait de lumière au milieu des ténèbres où l’on tâtonnait jusque-là. Il avait reconnu que le nom si fréquemment répété de Ijovina ou lovina ne désignait pas la jeunesse, comme le supposait Bourguet, mais que c’était le nom même des Iguviens; on commença dès lors à se douter que ces tables se rapportaient au passé de la ville où elles avaient été découvertes. Guidé par cette indication, Passeri écrit : Sapete voi in che lingua son esse scritte? In lingua gubina antica. Voici un passage de ces lettres, où, avec un certain art de mise en scène et en une langue toute colorée des idées philosophiques de Vico, il fait ressortir le caractère national de ces recherches. « Ce sont là, dit-il, nos vrais et

  1. Nous ne savons trop pourquoi Lepsius, qui rend justice aux services rendus par Bourguet, l’accuse de jactance et de vanité; nous n’avons rien trouvé de semblable dans les écrits de Philalèthe.