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chapelles sont gothiques. La reconstruction du XVe siècle fut très probablement regardée à l’époque où elle se fit comme un progrès sur l’architecture précédente, le gothique étant alors la mode régnante, en réalité elle ne fut au contraire qu’une sorte de barbarie. Combien ce chœur sans profondeur ni liberté, étouffé qu’il est entre ses murailles, paraît étroit et mesquin lorsqu’on tourne ses regards du côté de la grande nef, et comme il fait regretter le chœur ancien, qui sans doute, comme ceux de toutes les belles églises romanes d’Auvergne, Notre-Dame-du-Port de Clermont, Saint-Nectaire, Saint-Paul d’Issoire, était fermé à jour par une colonnade disposée en cercle ou en ovale arrondi, et entouré d’une allée circulaire donnant accès à une succession de chapelles rayonnantes ! Tout l’intérêt se concentre sur les nefs et principalement sur les chapiteaux des colonnes, qui sont ornées de sculptures de la plus grande beauté. Ces sculptures sont de deux sortes, les bas-reliefs historiés et les simples figures de décoration. Les bas-reliefs historiés, parmi lesquels je reconnais la délivrance de saint Pierre et Jonas avalé, puis vomi par la baleine, ne sont pas exempts de cette raideur automatique et de ces irrégularités de dessin qui caractérisent d’habitude les productions de l’art roman toutes les fois que le groupe humain est appelé à en faire partie. En revanche, les sculptures d’ornemens et les figures qui ont un sens symbolique relèvent de l’art le plus consommé et le plus exquis. Ce serait à croire ces sculptures d’une époque bien postérieure à la leur, car la renaissance n’a rien produit de plus délicat, de plus capricieux et de plus fini : les deux enfans par exemple, qui, à l’extrémité de l’une des collatérales, présentent deux sortes de boucliers qui peuvent bien être des tables d’armoiries, sont deux figurines voisines de la perfection. La renaissance n’a rien produit de plus capricieux, viens-je d’écrire ; si on veut en effet ne prendre ces figures que pour des caprices du ciseau, l’imagination y trouvera encore son compte ; mais, nous l’avons déjà remarqué plus d’une fois, le caprice était inconnu à ces vieux artistes, et il n’est pas besoin de contempler longtemps les chapiteaux à figures symboliques de l’église de Mozat pour deviner le contraste théologique qu’ils veulent insinuer dans l’esprit sans le déclarer ouvertement. Ce contraste, c’est celui de la nature humaine déchue et de la nature humaine rachetée. Les figures qui se répètent avec alternance de chapiteau en chapiteau accusent ce contraste jusqu’à la plus claire évidence. Voici des centaures et voici des hommes montés sur des chèvres ; qu’est-ce sinon les symboles de la force brutale, de la bestialité et de la sensualité ? D’autre part, voici un enfant à cheval sur le poisson, emblème de Jésus-Christ ; qu’est-ce sinon le symbole de la nature humaine rendue à son innocence première par les mérites du rédempteur ?