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travailla beaucoup dans sa vie, grâce à sa foi chrétienne. Pour savoir ce qu’il fit, adressons-nous à un de ces documens peints ou sculptés que dans ces excursions nous aimons à consulter de préférence aux documens écrits ; nous en avons un ici qui est de premier ordre, la châsse même du saint, superbe ouvrage du XIIe siècle, en cuivre émaillé, qui se voit encore à côté de la châsse de saint Austremoine dans la sacristie de l’église de Mozat. Sur les quatorze panneaux peints qui composent cette châsse, cinq se rapportent au saint, et sur ces cinq trois sont consacrés, à ses travaux, qui sont tous du même ordre, des constructions de monastères, dont des légendes latines placées au bas des peintures nous donnent les noms. Le premier de ces monastères fut construit dans le diocèse du Puy-en-Velay en l’honneur de saint Théofred ; c’est la célèbre abbaye de Saint-Chaffre, qui a donné naissance à la petite ville du Monastier, une de nos futures étapes dans ces excursions. Le second fut fondé dans le diocèse de Limoges, c’est, dit-on, l’origine de la ville de Tulle ; le troisième fut construit en Auvergne, et c’est l’abbaye qui nous occupe en cet instant. Trois abbayes, dont deux sont devenues les germes de villes ; peu de gens ont travaillé d’une manière plus pratique non-seulement pour leur temps, mais pour la postérité. Après ces fondations, les deux pieux époux avaient réellement droit au repos, et c’est en effet de ce repos que nous parlent les deux autres panneaux, qui ont rapport à leur vie. Dans l’un Namadia, et dans l’autre Calminius, nous sont représentés couchés au tombeau, tandis que leurs âmes montent au ciel portées par des anges sur de belles nappes blanches comme l’âme de Dagobert dans le fameux tombeau de Saint-Denis. Six autres panneaux de cette châsse admirable sont consacrés aux apôtres et aux personnes divines mêmes, le Père bénissant le monde, la Vierge et l’Enfant, le Christ en croix ; enfin deux autres sont consacrés l’un à saint Austremoine, fondateur du christianisme en Auvergne, l’autre à l’abbé de Mozat, personnage du nom de Pierre, qui fut le donateur, de cet ouvrage, en sorte que la légende de Calmin et de Namadie se trouve enveloppée et comme sertie dans les images de la sainteté la plus auguste, comme une pierre précieuse d’un ordre secondaire qui serait entourée d’une couronne de rubis et de diamans. C’était la méthode ordinaire du moyen âge pour rehausser les vertus d’une existence individuelle, mais rarement elle fut appliquée d’une manière plus complète et plus riche que dans cette châsse de saint Calmin.

L’église abbatiale telle qu’elle se présente aujourd’hui est le résultat de deux reconstructions, l’une du XIIe siècle et l’autre du XVe c’est assez dire que deux styles y sont réunis : les nefs sont romanes de la dernière époque, le chœur et un bon nombre des